«Les Suisses dépensent 11 milliards de francs à l’étranger»

TOURISME D’ACHAT • «Swiss Retail Federation», l’association faîtière dans le commerce de détail, déplore une stagnation dans son secteur et une situation en trompe-l’œil en Suisse romande. Rencontre avec son directeur.

  • Adrian Wyss est directeur de Swiss Retail, l’association faîtière dans le commerce de détail. DR

    Adrian Wyss est directeur de Swiss Retail, l’association faîtière dans le commerce de détail. DR

«Depuis la fin du taux plancher, les achats dans les pays voisins ont augmenté de 7%»

Adrian Wyss, directeur de Swiss Retail

GHI: En Suisse, l’économie se porte-t-elle mieux qu’ailleurs?

Adrian Wyss: Les signes d’une déflation sont là: le niveau des prix des biens et des services est, depuis un certain temps, en régression. Dans toute la Suisse, nous avons tous les jours des annonces de délocalisations de productions ou de fermetures d’entreprises.

GHI: Qu’en est-il à Genève?

A.W.: L’économie genevoise est basée majoritairement sur les services. Les recettes pour l’année en cours sont inférieures de 35 millions par rapport aux recettes budgétées. Et le commerce de détail est le secteur le plus durement touché. Le tourisme d’achat dans cette région montre des signes inquiétants, que ce soit au niveau de l’emploi ou de la formation.

GHI: Pour autant ce problème, propre aux régions frontalières, n’est pas nouveau. En quoi cela impacte-t-il spécifiquement la Suisse romande?

A. W.: Dans la région lémanique, il y a toujours eu du tourisme d’achat mais depuis la baisse de l’euro, nous avons affaire à un phénomène nouveau. Le tourisme d’achat a évolué en tourisme de loisirs. Aujourd’hui, des consommateurs de tous les cantons partent faire leurs achats à l’étranger. C’est comme si toute la Suisse était devenue une zone frontière! Les frais liés aux véhicules ou à la pollution ne sont pas pris en considération. Le paradoxe, c’est qu’en Suisse on veut gagner les salaires les plus hauts possibles alors qu’environ 11 milliards de francs suisses, soit 10% du chiffre d’affaires des commerces de détail, sont dépensés chaque année à l’étranger, en zone frontalière.

GHI: Une stabilisation du franc à 1,10 franc pour 1 euro permettrait-elle au bassin lémanique de s’en sortir?

A. W.: Lors de l’introduction du taux plancher à 1,20 franc, déjà, les achats à l’étranger étaient très élevés, mais l’on pouvait constater une certaine stabilisation. Depuis la décision de la Banque nationale suisse de supprimer le taux plancher, la situation s’est nettement dégradée et on enregistre une hausse des achats dans les pays voisins de 7%. Je pense malheureusement qu’un taux plancher à 1,10 franc n’apportera guère d’améliorations. Les détaillants doivent réduire drastiquement leurs marges alors que dans le même temps, les loyers et les salaires restent élevés. Et eux, se paient en francs suisses!

GHI: Finalement, ne faudrait-il pas un acte citoyen de la part de la population pour «sauver» l’économie suisse?

A. W.: Ce qui compte pour les entreprises compte évidemment pour les consommateurs. Je verrais d’un bon œil les citoyens réfléchir à la situation actuelle et à l’endroit où l’argent gagné ici est dépensé. Chacun peut contribuer à garder notre standing, nos emplois et nos places de formations. En peu de temps, le commerce de détail a perdu plus de 6000 emplois.