Addict au net: ado en cure imposée avec papa et maman

VIOLENCE FAMILIALE • La Justice et la Protection des mineurs envoyent en thérapie de plus en plus de jeunes et leurs parents accros au net. Une addiction qui est vecteur de violence inouïe dans les familles.

  • Conséquence de l’addiction au net dans les familles:  on ne se parle plus, mais  on s’insulte et souvent on se frappe… PASCAL BITZ

    Conséquence de l’addiction au net dans les familles: on ne se parle plus, mais on s’insulte et souvent on se frappe… PASCAL BITZ

«C’est la première fois que nous proposons, dans le cadre d’une recherche scientifique, une thérapie familiale pour une addiction sans substance»

Philip NielsenResponsable du centre Phénix-Mail

Du jamais vu jusqu’ici. Les adolescents dans la tranche d’âge 13-18 ans, deviennent aussi addict aux jeux sur internet qu’au cannabis ou à l’alcool! Au point que la situation génère des conflits graves au sein des familles, qui règlent désormais leurs comptes à coup de baffes et de destruction d’ordinateurs et autres smartphones. Un phénomène nouveau et inquiétant qui vient gonfler les chiffres des violences domestiques (lire ci-dessous).

Violence en augmentation

La situation est devenue si alarmante que les structures officielles tel que la justice des Mineurs et le Service de protection des mineurs envoient désormais ces jeunes avec leurs parents en thérapie. «Nous avons une augmentation des traitements pour des addictions au net, confirme le psychologue psychothérapeute Philip Nielsen, responsable du centre Phénix-Mail pour le traitement des addictions des jeunes. Près de 30% des nouvelles demandes en soins le sont pour un jeune cyber-addict alors qu’en 2004, lorsque la doctoresse Croquette Krokar, médecin directrice de la Fondation Phénix, et moi avons ouvert la consultation, le nombre de jeunes cyber-addict par an se comptait sur les doigts d’une main.» En deux mots, il y a aujourd’hui cinq fois plus de consultations.

Justice inquiète

La Justice confirme pour sa part une augmentation de délits chez les jeunes qui peuvent avoir un rapport avec une addiction au net. «Nous avons eu en 2015, 6,7% de jeunes impliqués dans des affaires de lésions corporelles et voie de faits et 4,5% pour des injures et menaces, détaille Henri Della Casa, porte-parole du Ministère public. Cela représente quelque 67 cas de violence qui n’étaient pas répertoriés comme tels, mais plutôt englobés dans les affaires en général.» Effectivement, jusqu’en 2014, les violences des jeunes provenaient plutôt de la consommation de drogue (120 cas connus en 2015 par la justice).

Ainsi, face à ce phénomène qui s’amplifie, les psychothérapeutes soignent désormais avec une méthode qui ne cible pas seulement les jeunes mais également leur entourage: «Les adolescents, que nous soignions se défendaient souvent de reproduire le geste de leurs parents, poursuit Philip Nielsen. Soit le père en rentrant du travail reste figé derrière son écran et surveille ses comptes, la mère, devant sa série TV préférée, les frères et sœurs tchattent sur les réseaux sociaux…» Et de poursuivre: «La situation familiale se dégrade à un tel point que plus personne ne se parle. Le jeune cyber-addict est le premier à dire Si l’ambiance dans le salon s’améliore, je lâche volontiers mon écran pour passer du temps avec vous!» En résumé , les familles déchirées préfèrent malheureusement souvent les coups aux mots, des maux qui font mal. Des exemples? «Papa m’a confisqué mon ordi, maman m’arrache les prises de mon chargeur, je n’en peux plus! J’ai reçu une claque de mon père, du coup, j’ai frappé ma mère…»

Conséquences? Les parents sont démissionnaires, les jeunes se renferment, ils n’ont plus d’amis, les notes à l’école dégringolent, et ils deviennent hyperagressifs. «Souvent à l’image de scènes des jeux vidéo», constate Philip Nielsen. Qui rappelle encore que c’est la première fois qu’une thérapie familiale contre l’usage pathologique des jeux sur internet à l’adolescence est testée scientifiquement à Genève.