La sécurité à tout prix

BASSINS PUBLICS • Plusieurs communes abaissent l’eau de leurs fontaines pour éviter les noyades. Des mesures qui coûtent des milliers de francs et soulèvent la question du devenir des édifices patrimoniaux.

  • La Ville de Genève compte 357 fontaines publiques. A ce jour, 302 sont conformes, dont le bassin du Musée d’histoire naturelle, qui a été mis aux normes. STÉPHANE CHOLLET

    La Ville de Genève compte 357 fontaines publiques. A ce jour, 302 sont conformes, dont le bassin du Musée d’histoire naturelle, qui a été mis aux normes. STÉPHANE CHOLLET

Le bassin devant le Palais Eynard, au parc des Bastions: supprimé; celui du Musée d’histoire naturelle? Mis aux normes. D’autres pourraient suivre, comme la fontaine patrimoniale du mur des Réformateurs. Mais qui pousse la Ville de Genève à s’en prendre ainsi à ses points d’eau publics? Le Bureau de prévention des accidents (BPA). Il a publié des recommandations qui visent à accroître la sécurité des fontaines et bassins publics. Des conseils, non contraignants, qui préconisent 20 cm d’eau maximum ou une hauteur minimale de 75 cm.

«Toutes les fontaines ont été analysées, indique Anaïs Balabazan, déléguée à l’information et à la communication au Département des constructions et de l’aménagement (DCA). Ce qui a permis de définir trois catégories d’ouvrages: les fontaines conformes, les fontaines pour lesquelles de simples adaptations permettent leur mise en conformité (ajustement de chantepleures, mise en place de grilles ou barres porte sceau...) et les fontaines pour lesquelles des travaux plus importants sont à engager et pouvant donner lieu à des aménagements périphériques.»

Evidemment, tout cela a un coût: «A ce jour, 32’500 francs environ ont été dépensés sur le budget de la Ville, complète Anaïs Balabazan. Mais la sécurité des enfants n’a pas de prix.»

Le tour du canton

A Carouge, le service Constructions, entretien et sport de la Ville planche sur la sujet: la fontaine des Tours sera-t-elle supprimée? Le maire Nicolas Walder se veut rassurant: «Cette fontaine de trois étages avec chutes d’eau est un lieu extrêmement prisé. On attend les conclusions du service et, en fonction, nous devrons peser le pour et le contre. Si ce n’est qu’un problème de profondeur, on pourra rehausser le fond, par exemple. En revanche, je trouverais excessif de dénaturer le lieu alors qu’il n’y a jamais eu d’accident en 40 ans, a fortiori lorsque c’est une œuvre, qu’on ne peut pas transformer comme cela. Priver toute la population d’un lieu aussi prisé, je trouve que c’est exagéré.»

A Onex, «le problème a été réglé, assure le maire François Mumenthaler. Cela concernait 5 ou 6 fontaines, pour des coûts marginaux». Autre lieu, autre montant: à Chêne-Bourg, le conseil municipal a accepté la rénovation des 120 m. du bassin du parc Floraire pour près de 1 million de francs, explique la conseillère administrative Beatriz de Candolle. Avec un effet bienvenu: le rehaussement du bassin fera baisser le volume d’eau traité, occasionnant autant d’économies. Enfin, à Lancy, un crédit de 20’000 francs va être voté lors du prochain budget afin d’engager une réflexion sur la sécurité des pataugeoires. Une étude de faisabilité pour confirmer, ou infirmer, les recommandations du BPA. A son issue, plusieurs scénarios pourraient être envisagés: statu quo, clôture, réfection complète, remplacement des pataugeoires en jeux d’eau ou embauche d’un gardien, explique Olivier Carnazzola, chef du service des sports de la Ville. De quoi apporter de l’eau au moulin du BPA!

Valeur... patrimoniale

Les préconisations du Bureau de prévention des accidents (BPA) posent la question de la préservation des édifices patrimoniaux. Faut-il les dénaturer au nom de la sécurité? «Pas du tout, rassure Magali Dubois, porte-parole du BPA. Par exemple, une fontaine du Jardin botanique de Neuchâtel, à haute valeur patrimoniale, présentait quelques failles de sécurité. Le fond du bassin a été relevé à l’aide de galets, ce qui en a non seulement amélioré la sécurité mais aussi la qualité écologique, sans aucune lourdeur et en conservant son caractère. Il ne s’agit pas de sécuriser les bassins de A à Z mais de faire une analyse de risque pour prendre les meilleures mesures pour les bassins potentiellement dangereux. Il est donc important de savoir dans quel type de quartier le bassin se trouve, si des enfants sont souvent à proximité, etc.»