Pluie d’or sur la rue du Rhône

BANQUES • Les petits épargnants français virés de leur banque ont claqué leurs économies dans les commerces genevois.

  • Les commerçants de la rue du Rhône ont vécu un été très lucratif. GOOGLE STREET VIEW

    Les commerçants de la rue du Rhône ont vécu un été très lucratif. GOOGLE STREET VIEW

«Ils nous ont tout simplement fichus à la porte.» Ce commerçant à la retraite de la région grenobloise n’y va pas par quatre chemins pour décrire le ton employé, cet été, par le banquier genevois chargé de clore son compte. Avec moins de 50’000 francs sur un livret ouvert il y a bien des années, le Grenoblois ne fait pourtant pas partie des personnalités exposées du monde de la politique, du sport ou du spectacle.

Vers la régularisation

Mais le système dit du modèle fiscal déclaré touche désormais aussi les petits épargnants. «C’est la raison pour laquelle nous avons demandé à tous nos clients français la preuve que leur fortune est déclarée», précise Jean-Paul Darbellay, porte-parole du Credit Suisse. Une procédure que la plupart des banques veulent mener à bien d’ici la fin de l’année et qui rend un compte en Suisse bien moins attractif.

Par ailleurs, explique Jean-Raphaël Fontannaz, porte-parole d’UBS, «lors des entretiens où nos clients attestent de leur conformité fiscale, la banque attire leur attention sur les frais supplémentaires liés à ces comptes si les avoirs sont inférieurs à 50’000 francs». Forcés de déclarer leur épargne et plombés par des coûts de gestion en forte hausse, de très nombreux Français ont ainsi préféré solder leur compte. Mais il n’est pas question de tout prendre en cash. Suivant les banques, un montant couvrant «les dépenses courantes» est accordé, le reste devant être viré ailleurs.

Flambée

Apparemment assez coquettes, ces dépenses courantes ont fait le bonheur du commerce genevois durant plusieurs mois. «J’en ai profité pour faire des cadeaux, un beau stylo, une belle montre», affirme notre Grenoblois. Un autre a organisé un fastueux repas de famille.

La rue du Rhône a ainsi vécu un été lucratif. Une bijouterie se souvient d’«une flambée des paiements cash par des Français qui désiraient une absolue discrétion». Un horloger évoque «3 ou 4 clients atypiques qui ont négocié leurs achats directement avec leur banque». Le joaillier Edmond Avakian parle, lui, ouvertement de la visite «de Lyonnais et de Niçois» acheteurs discrets de certaines de ses pièces. Chaque boutique a son histoire.

Toutefois, alors que le processus est «très avancé», selon le Credit Suisse, la pluie d’or a cessé sur la rue du Rhône et les banques genevoises auront bientôt définitivement tourné la page de leurs relations houleuses avec l’argent de nos voisins.