Aide sociale: l’explosion!

En deux ans, l’augmentation des dépenses sociales dépasse les 100 millions de francs. La hausse des coûts de la santé et des chômeurs en fin de droit en sont les principales causes. Comment inverser cette tendance alarmante? Les pistes sont nombreuses, mais coûteuses.

  • En deux ans, l’augmentation des dépenses sociales dépasse les 100 millions de francs. Une situation alarmante causée en partie par la hausse des coûts de la santé et des chômeurs en fin de droit. dr

    En deux ans, l’augmentation des dépenses sociales dépasse les 100 millions de francs. Une situation alarmante causée en partie par la hausse des coûts de la santé et des chômeurs en fin de droit. dr

«La fragilisation des familles est un phénomène qui s’amplifie»

Dominique Froidevaux, directeur de Caritas Genève

Que se passe-t-il à Genève? Entre 2015 et 2016, l’augmentation des dépenses sociales s’est élevée à 59,5 millions de francs sur un budget global de 1,08 milliard. Pire encore, une nouvelle hausse de 56,1 millions a été inscrite au budget 2017 du canton. Comment expliquer cette explosion de la précarité? Mauro Poggia, conseiller d’Etat en charge du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, a son idée: «L’augmentation peut notamment s’expliquer par la stabilisation des salaires, l’inflation des coûts dans le domaine de la santé qui se répercute sur les primes, ainsi que par une hausse du nombre de chômeurs en fin de droit de condition modeste.» Les dépenses en subsides d’assurance maladie s’élèveront à 380 millions, dépassant ainsi celles destinées à l’aide sociale (296,8 millions).

Changements sociétaux

Pour le magistrat, une application plus stricte des conditions d’octroi de prestations découlant de l’assurance invalidité pèse inévitablement sur l’aide sociale. Confronté chaque jour à la pauvreté grandissante, Dominique Froidevaux, directeur de Caritas Genève, estime que les changements sociétaux ne sont pas étrangers à cette situation alarmante: «La fragilisation des familles est un phénomène qui s’amplifie. Des mères et des pères se retrouvent seuls pour élever leurs enfants. Cela ne devrait pas être synonyme de pauvreté. Or, même lorsque le parent en charge des enfants occupe un emploi rémunéré, le risque d’une précarisation de la situation familiale est élevé. En Suisse plus de 14% des familles monoparentales tombent en-dessous du seuil de pauvreté.»

Elus de tous bords et travailleurs sociaux sont donc unanimes: la précarité prend une tournure alarmante, depuis quelques années. Mais quelles sont les solutions pour inverser cette tendance? Selon Jocelyne Haller, députée d’Ensemble à gauche, il convient de mieux réguler le marché du travail: «Il faut renforcer les mesures d’accompagnement pour éviter la sous-enchère salariale, mais aussi refuser le travail gratuit ou sous-payé qui se banalise, paré de pseudos vertus de réinsertion. La formation doit être favorisée pour permettre aux travailleurs de mieux répondre aux exigences du marché du travail.» Dominique Froidevaux estime aussi que la formation est essentielle, tout en rappelant que de nouveaux secteurs se développent: «Il y a des défis neufs à relever dans des activités reconnues d’utilité publique. Je pense à l’écologie ou au soutien des personnes âgées.»

Quel futur?

Tous rappellent que l’urgence est là. Et que les actions doivent être rapidement menées: «Il s’agit de travailler à l’élaboration d’une feuille de route, en collaboration avec les partenaires institutionnels, associatifs et communaux, de sorte à agir de manière ciblée et complémentaire aux dispositifs existants, précise Mauro Poggia. Même si l’évolution n’est pas certaine, nous prévoyons une hausse linéaire des dépenses sociales de 3 à 4% par année.» Au-delà des chiffres, cette hausse correspond aussi à une augmentation des trajectoires de vie cabossées…