Des journées très chargées, mais une fonction de maire de la Ville de Genève exaltante. Le socialiste Sami Kanaan se dit passionné par sa nouvelle activité qu’il traverse, depuis le 1er juin, à l’abri des critiques. Premier bilan.
GHI: – Vous semblez à l’abri des critiques. Or qui n’a pas d’ennemis n’a pas de valeur. Est-ce votre cas?
Sami Kanaan: – Non. Mais dans une Genève qui vit dans une période de débats tendus, j’ai la chance de m’occuper de sport et de culture, deux domaines qui fédèrent. Mon rôle est de mettre mon dicastère au service de la population pour élargir l’offre et bousculer les habitudes. Créer des liens nouveaux, c’est passionnant.
– Concrètement où peut-on déjà reconnaître votre patte de maire?
– C’est encore trop tôt pour le dire. Mais je profite de ma fonction pour rappeler la tradition d’ouverture de Genève et favoriser les échanges entre les gens dans notre région. Et rassembler par-delà nos frontières, comme, par exemple, lors des rencontres culturelles du Grand Genève ou les Jeux du Grand Genève.
– Travailler sur la notion de frontière, c’est depuis longtemps une de vos priorités...
– Genève doit une partie de sa prospérité à son ouverture au monde. Le bassin naturel genevois dépasse les frontières territoriales. On vit avec depuis toujours.
– L’angoisse du chômage et de la précarité ont pourtant tendance à renforcer la notion de fermeture des frontières…
– Rappelons que lorsque le chômage augmente à Genève, il augmente encore davantage en France voisine, et que derrière tout engagement d’un frontalier, il y a en général un employeur bien installé à Genève. De toute manière, les frontières les plus pernicieuses ne sont pas celles de la ville ou du canton. Elles sont socioculturelles, économiques, générationnelles, liées aux origines de la population. Je ne dis pas qu’il faille nier ou supprimer les frontières. Mais il faut en faire des passerelles plutôt que des murs.
– Comment?
– En privilégiant les échanges et les collaborations. Ainsi, à l’initiative de mon département, les musées, privés et publics, ont appris à travailler ensemble pour valoriser l’offre extraordinaire de Genève et séduire de nouveaux publics. Ce système de collaboration a été élargi aux théâtres. Petits ou grands, subventionnés ou privés, institutionnels ou alternatifs, presque tous jouent le jeu notamment lors de la Fête du théâtre, début novembre. Cela permet de faire bouger les spectacles mais aussi de mélanger les publics.
– Votre visibilité de maire vous aide-t-elle à faire mieux passer ce message d’ouverture?
– Oui et non. Etre maire reste la fonction la plus visible à Genève. A l’étranger comme auprès des citoyens, elle résonne bien plus que celle de président du Conseil d’Etat, en raison aussi de la proximité avec la population et la notoriété de la ville. Mais une seule année de mandat, c’est une aberration. Cela ne permet pas d’entamer des réformes et de suivre les dossiers de manière durable.
– Faudrait-il élire un maire pour cinq ans?
– Oui. Et ce n’est pas une question d’ego. Les villes ont besoin d’une plus grande reconnaissance. Elles ne sont pas assez représentées sous la Coupole à Berne ou face aux gouvernements cantonaux. C’est pour cela que nous sommes en train de reconstituer, au sein de l’Union des villes suisses (UVS), le lobby des villes-centre. Soit les agglomérations de plus de 50’000 habitants. On en compte dix en Suisse. A l’exception de Genève, elles ont toutes le même maire pour l’ensemble de la législature.
– Maire d’une ville prestigieuse et conseiller administratif de l’influent dicastère de la culture et des sports, l’exercice du pouvoir ne risque-t-il pas de vous couper de la réalité?
– C’est effectivement le risque pour tout élu. Mais pour éviter cela, il faut rester en contact avec les forces vives et savoir bien s’entourer.
– Est-ce votre cas?
– Oui. Mon équipe est rodée, prête à assurer le suivi des dossiers et me faire atterrir si nécessaire. C’est cela qui me permet de garder les contacts extérieurs et de mieux assumer le rôle de maire et ses nombreuses tâches de représentation.
– Quelles sont les principales inscrites sur votre agenda ces prochaines semaines?
– Fin octobre, l’inauguration du MEG (Musée d’ethnographie de Genève) avec les autorités fédérales et cantonales. Côté sport, ce sera l’ouverture exceptionnelle du parc du Palais des Nations de l’ONU pour le premier entraînement de la course de l’Escalade.
– Des tâches qui vont favoriser votre candidature pour les élections de 2015 au conseil administratif.
– Cette année de mairie tombe en année électorale. C’est effectivement une bonne opportunité à saisir pour moi qui suis candidat du parti socialiste avec Sandrine Salerno, mais cela rend aussi beaucoup plus exposé.