«Les guides des cars touristiques qui viennent visiter l’OMS font un commentaire sur notre action»
Paul Roullaud, initiateur de l’opération
«Avec une action courte et bruyante, l’OMS aurait juste eu à laisser passer la vague. Là, elle sait que demain on sera là, et le lendemain aussi. On n’est qu’une petite épine dans son pied, mais une épine qui fait mal.»
François est vigie. Tout comme Guy, Paul, Sylvie, Rachel, Jean-Yves et quelque 450 autres. Leur modèle? Les mères de la Place de Mai, à Buenos Aires, qui, inlassablement, se rassemblent depuis plus de 30 ans pour connaître le sort de leurs enfants disparus pendant la dictature.
Pour La Vigie d’Hippocrate, cela fait huit ans. Depuis le 26 avril 2007 exactement, jour commémorant le 21e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, précise Paul Roullaud, initiateur de l’opération. A charge pour lui que, tous les jours ouvrables de 8 à 18 heures, il y ait toujours un bénévole pour témoigner des souffrances des victimes du nucléaire devant le siège genevois de l’Organisation mondiale de la santé, avenue Appia.
Engagement humain
C’est le cas de Guy, venu «en voisin, depuis Gex»; ou encore de François: «J’étais là au début, explique le jeune homme. Ensuite, j’ai fait une pause de plusieurs années et je suis de retour depuis deux ans.» Et quel retour! «François totalise cinq semaines sur l’année, et trois semaines de présence rien que pour le mois de mars», confirme Paul Roullaud.
Quand elles viennent de loin (de la Sarthe pour François), les vigies sont hébergées par d’autres, habitant à proximité. Cela apporte un côté humain qui «permet d’être en contact avec un milieu militant, assure François, ce qui est assez rafraîchissant».
La cause, voilà ce qui réunit ces vigies, par-delà leurs nationalités (française, principalement) ou leurs lieux d’habitation (35 personnes viennent de Loire-Atlantique, lieu de domicile de Paul Roullaud). «On veut que l’OMS fasse son travail, qu’elle prenne en charge les victimes de Tchernobyl, de Fukushima et du nucléaire en général, qui sont largement abandonnées», explique François. Il ajoute: «l’OMS persiste à déclarer que la surmortalité au niveau mondial due à l’accident de Tchernobyl n’est que de quelques milliers de morts, alors qu’une méta-étude, publiée par l’Académie des Sciences de New York, l’estime à plus de 985’000 morts. Nous demandons que l’OMS entreprenne de nouvelles recherches et que celles-ci soient menées par des chercheurs indépendants.»
Prêts pour durer
«On n’intervient pas comme des anti-nucléaires mais en tant que pro-sanitaires. D’ailleurs, pourquoi ne verrait-on pas un pro-nucléaire s’engager à nos côtés», questionne Paul Roullaud?
Ce qui est sûr, c’est que l’action devant l’OMS va durer. «On a deux assemblées générales par an, qui reconduisent généralement la vigie à l’unanimité.»
La prochaine a lieu en septembre et devrait réfléchir aux dix ans de l’occupation. «Même si ce n’est qu’en 2017», souligne Alison Katz, membre fondatrice de Pour l’indépendance de l’OMS. «On aimerait organiser un grand événement. Une des idées serait qu’une grande chaîne humaine entoure l’OMS. Ce n’est qu’une idée mais qui serait, je trouve, symboliquement forte.»