«J’en ai assez de voir les clients pris en otage!»

Pierre Maudet, le patron de la Sécurité et de l’Economie, se fâche. Pour lui, chauffeurs de taxis et conducteurs Uber doivent tous respecter la loi. Il a demandé à ses services de serrer les contrôles et de sanctionner, sans exception.

  • Les grèves successives des taxis indépendants prennent en otage les citoyens… En médaillon, le magistrat Pierre Maudet. PHOTOS BD/DRK

    Les grèves successives des taxis indépendants prennent en otage les citoyens… En médaillon, le magistrat Pierre Maudet. PHOTOS BD/DRK

  • Les grèves successives des taxis indépendants prennent en otage les citoyens… En médaillon, le magistrat Pierre Maudet. PHOTOS BD/DRK

    Les grèves successives des taxis indépendants prennent en otage les citoyens… En médaillon, le magistrat Pierre Maudet. PHOTOS BD/DRK

«S’il y a une inégalité, elle est en faveur des taxis»

Pierre Maudet, conseiller d’Etat au Département de la sécurité et de l’économie

– Comment réagit le Département face à la désobéissance civile des taxis indépendants genevois ?

– Pierre Maudet: Le Département réagit comme l’écrasante majorité de la population sur ce sujet: il en a assez de voir les clients oubliés, voire pris en otage par des chauffeurs que plus personne ne soutient quand ils s’inscrivent dans l’illégalité. J’ai toujours dit que la loi devait être respectée. La nouvelle loi est actuellement dans les mains du Grand Conseil.

– Et face à leurs revendications sur les inégalités de traitement avec Uber ?

– Je rappelle que le service du commerce a interdit à Uber d’agir en tant que centrale d’ordre de course et donc d’utiliser des taxis jaunes et bleus. En l’espèce, Uber ne les utilise plus, la décision est donc respectée.

– Des sanctions sont-elles prévues contre les taxis indépendants qui ne contrôleraient plus leurs véhicules,

comme l’exige actuellement la loi sur les taxis ?

– J’ai demandé à mes services que leurs contrôles concernent tous les véhicules, sans exception. Il est donc clair que ces taxis indépendants s’exposent à des sanctions s’ils décident d’enfreindre délibérément la réglementation en vigueur.

– Et les chauffeurs Uber?

– Oui, ils sont aussi sanctionnés, notamment quand nous constatons qu’ils utilisent des plaques vaudoises pour contourner la législation genevoise. Mes services prennent des sanctions à chaque fois qu’une infraction est constatée, et vont même jusqu’à arrêter les courses et faire descendre les passagers. Les chauffeurs Uber font ensuite usage de leur droit de recours, ce qui est légitime. C’est ensuite à la justice de se prononcer.

– Des sanctions ont-elles déjà été prononcées?

– Les premières décisions de sanction sont tombées en 2014 mais les recours sont toujours pendants devant les tribunaux genevois. Elles ne seront définitives qu’une fois que la justice se sera prononcée.

– Qui est en infraction?

– Il y a actuellement un taux d’infraction de 30%, tous chauffeurs confondus: taxis jaunes, bleus, limousines ou Uber.

– Y a-t-il des chauffeurs Uber qui travailleraient illégalement sans respecter la loi sur le travail?

– Les chauffeurs qui travaillent avec l’application Uber sont des indépendants. Ils ne sont pas salariés par Uber. Ils sont donc soumis aux mêmes contrôles que les taxis jaunes ou les taxis bleus.

– Avec la nouvelle loi débattue en juin au Parlement, les taxis indépendants, les limousines et Uber seront-ils logés à la même enseigne ?

– Je ne peux pas préjuger du résultat des débats du Grand Conseil et donc des amendements qui pourront être votés, mais dans le projet qui a été déposé par le Conseil d’Etat, les taxis conservent tous les avantages dont ils bénéficient aujourd’hui, à savoir l’utilisation accrue du domaine public (voies de bus, station de taxis), la capacité d’être hélés, ainsi qu’un accès privilégié à l’aéroport, ce que les VTC n’auront pas. S’il y a une inégalité, elle est en faveur des taxis.

– Pourquoi modifier la loi?

– La nouvelle loi vise à simplifier la situation pour les usagers, et à préparer la profession à faire face à la concurrence. Je préfère de loin que celle-ci se déploie dans les règles fixées par l’Etat, plutôt que de la voir sauvage, hors de tout cadre légal, se développer, en faisant croire que le monopole en place reste la solution. Les milieux professionnels doivent respecter le processus démocratique. Le fait de bloquer souvent la ville ou d’appeler à la désobéissance civile est une forme de pression sur le Parlement inacceptable.

«Nous voulons une concurrence loyale»

ChZ • La volonté politique du magistrat Pierre Maudet est de remettre le client au centre et d’instaurer une concurrence loyale afin d’améliorer la qualité du service. «J’ai bon espoir que la loi atteigne ses objectifs et qu’elle les dépasse même en démocratisant l’accès à ce mode de transport.» Il rappelle que tous les acteurs, économiques ou politiques, se rendent bien compte que la loi actuelle n’est plus du tout adaptée à la situation que nous connaissons. «Tout comme la loi imaginée il y a quatre ans, avec sa centrale unique, est déjà dépassée et impraticable, poursuit-il. Il est évident que compte tenu de l’hétérogénéité de la profession et des intérêts contradictoires en présence, elle ne satisfera pas tout le monde.» Et de conclure: «Les travaux au Parlement avancent bien. J’ai bon espoir que la loi atteigne ses objectifs et qu’elle les dépasse même en démocratisant l’accès à ce mode de transport.»