La violence entre jeunes filles explose!

- Les bagarres entre bandes d’adolescentes sont en forte hausse depuis 6 mois.
- De nouvelles rixes mobilisent police, écoles et acteurs sociaux.
- Dysfonctionnements familiaux et absence de repères sont à la base de cette violence qui inquiète.

  • Les filles ont passé au cran supérieur dans le domaine de la violence: elles prennent plaisir  à torturer les plus faibles. PHOTO PRETEXTE PASCAL BITZ

    Les filles ont passé au cran supérieur dans le domaine de la violence: elles prennent plaisir à torturer les plus faibles. PHOTO PRETEXTE PASCAL BITZ

«Ces filles tapent et insultent car elles ont le sentiment qu’agir par la violence est la solution pour ne plus jamais devoir en subir.»

Isabelle* (prénom fictif), 15 ans, gâte souvent l’école. Que fait-elle lorsqu’elle ne va pas en cours? Elle boit, fume, prend de la cocaïne, rode. Parfois elle fugue. Parfois elle couche sans se souvenir de rien. Un cocktail détonnant qui la pousse aussi à frapper. A humilier. Avec d’autres «copines-chippies», pour une histoire de garçon, d’un baiser refusé, elle s’en prend aux filles fragiles, vulnérables, les guette à la sortie de l’école et les cogne. Ces bandes de petites frappeuses ne se cantonnent plus à tirer les cheveux. Elles balancent des coups de pied au visage, humilient, torturent et filment. Un enfer pour la victime.

Victime aux Coudriers

Il y a dix jours, une élève de 12 ans du cycle d’orientation des Coudriers a été rouée de coups.

Son tort? N’avoir pas voulu embrasser un garçon «à la demande» à la récréation…

L’agression s’est terminée dans un centre commercial et ce sont finalement les employés d’un fast-food qui ont réussi protéger la victime, en état de choc. La justice des mineurs a été saisie. *

Rixes féminines

Ce fait divers, malheureusement, est devenu légion à Genève. «Depuis 6 mois, nous avons en effet constaté une recrudescence de bagarres très violentes entre bandes de jeunes filles, détaille Claudine Gachet, directrice et fondatrice de l’association Face à Face Genève, s’occupant de la prévention de la violence des adolescentes depuis plus de dix ans. Ces filles tapent, insultent, torturent, car elles ont le sentiment qu’agir par la violence est la solution pour ne plus jamais devoir en subir. La violence chez les jeunes femmes se manifeste le plus souvent par réaction à un traumatisme ou dans le cadre d’une opposition familiale. Autrement dit, elles vivent des violences intrafamiliales et se défoulent à l’extérieur de ce cercle familial.»

Danger: 13 à 17 ans

C’est principalement dans la tranche d’âge de 13 à 17 ans qu’explose cette délinquance féminine. «Les bagarres entre bandes d’adolescentes sont principalement dénoncées par les acteurs sociaux et n’aboutissent pas forcément devant les tribunaux», poursuit Claudine Gachet. Ainsi, la Brigade des Mineurs nous annonce cette année une baisse de 40% de délinquance juvénile.» Et de souligner: «Il y a moins d’affaires qui sont menées devant la justice mais plus de prises en charge demandées par les familles, les écoles, les foyers dans notre association. »

Justice des mineurs

Ce que confirme la justice: «De manière générale, chez les mineurs (10-18 ans) , on observe que les jeunes filles représentent bien moins de un quart des auteurs des infractions», explique Henri Della Casa, porte-parole du pouvoir judiciaire.

Analyse du problème

Si la baisse des jeunes condamnées à la prison des mineurs à La Clairière, se confirme, en revanche, les appels à l’aide de parents ou de professeurs augmentent. Et comment l’Association Face à Face, y remédie-t-elle? «La plupart du temps, les violences proviennent de dysfonctionnements familiaux, n’ayant pas forcément un caractère violent en apparence, comme le lâcher-prise des parents, poursuit Claudine Gachet. Je parle ici notamment de parents trop permissifs ou trop généreux, et qui offrent des cadeaux onéreux pour se déculpabiliser de leur absence. En réalité, l’enfant n’a plus aucun repère, et profitera de la faille pour tester les limites ou répondre à ce vide comme il peut.»

Prisons pour adolescentes?

L’automne dernier, les cantons romands se sont rencontrés à la demande l’Office fédéral de la justice pour trouver des solutions face à cette montée de violence chez les filles. La question était de savoir s’il fallait construire des établissements fermés spécifiques pour jeunes délinquantes. L’Office fédéral de la justice a dit non, estimant que cela n’était pas nécessaire au vu de la baisse de la délinquance juvénile en général. Ainsi, à Genève, on «bricole», on fait avec les moyens du bord. Et surtout, on utilise tout l’arsenal préventif.

*Lire notre article sur www.ghi.ch/le-journal/geneve/eleve-du-cycle-des-coudriers-sauvagement-ag....

Lire également en page 7

Claudine Gachet, Directrice et fondatrice de l’Association «Face a Face»

Grosse baston entre filles évitée à Pinchat

AU/GiM • Ambiance tendue, vendredi 13 mars à la sortie du cycle d’orientation de Pinchat à Carouge. Au centre de la tension, l’annonce d’une énorme baston entre deux groupes de filles rivales. D’après nos renseignements, les deux bandes se seraient donné rendez-vous à la sortie des classes, vers 16h20, pour régler une précédente bagarre entre deux élèves. Prévenue et aux aguets, la police a pu disperser sans heurts les nombreux ados qui s’étaient rassemblés à proximité de l’établissement scolaire. Le porte-parole de la police, Jean-Philippe Brandt confirme qu’un dispositif, composé notamment de la police des mineurs et d’agents municipaux, s’est rendu sur place et qu’aucune rixe n’a finalement eu lieu. «L’idée, c’est d’être à l’écoute de ce type de renseignements, d’intervenir rapidement et de désamorcer la situation», précise le porte-parole de la police. «Le problème, c’est qu’il y a des bagarres entre filles presque chaque mois», a dénoncé de son côté une habitante du quartier. Signe évident que la peur gagne, elle a beaucoup insisté pour garder son anonymat.