L’économie menacée par Airbnb, Uber et Amazon

  • Les sociétés américaines Airbnb, Uber et Amazon bouleversent les marchés traditionnels.
  • Elles contribuent cependant très peu à la richesse du canton.
  • Au final, ce sont les citoyens qui en font les frais. Les politiques commencent à réagir.

  • Faut-il s’inquiéter du succès de la nouvelle économie? Ici, les entrepôts d’Amazon, en Irlande. DR

    Faut-il s’inquiéter du succès de la nouvelle économie? Ici, les entrepôts d’Amazon, en Irlande. DR

  • Faut-il s’inquiéter du succès de la nouvelle économie? Ici, les entrepôts d’Amazon, en Irlande. DR

    Faut-il s’inquiéter du succès de la nouvelle économie? Ici, les entrepôts d’Amazon, en Irlande. DR

Les sociétés de la nouvelle économie créent peu d’emplois et ne paient quasi pas d’impôts.

Les sociétés issues de la nouvelle économie sont géniales. Grâce à un marketing habilement ficelé, elles parviennent à faire croire à la population qu’elles lui veulent du bien. Acheter un livre, se déplacer ou se loger, pour moins cher? C’est la grande promesse des géants américains Amazon, Uber et Airbnb.

Cependant, quand on y regarde de plus près, le tableau est moins rose. Selon la dernière étude du Credit Suisse, le constat est sans appel: la contribution réelle de ces sociétés au produit intérieur brut (PIB) est limitée.

Emploi, logement...

Un chiffre illustre cette réalité. Malgré ses dizaines de millions de francs de chiffre d’affaires, Airbnb n’emploie que 28 personnes en France. En Suisse, elles doivent être une poignée. Ce n’est pas le seul reproche qui est fait au site. «A Genève, le marché locatif est tendu car l’offre est insuffisante, tonne Stéphane Jaggi, président de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier–USPI Genève. L’exploitation de logements en sous-location de type Airbnb retire quelque 1000 objets qui sont normalement destinés à loger des habitants.»

Révolution technologique

Un reproche infondé, selon Jasmina Salihovic, fondatrice de Chambres d’amis. Celle que l’on surnomme «la reine d’Airbnb» loue des dizaines de logements en Suisse romande. Elle voit dans la plate-forme une révolution technologique… et sociale: «Ce site permet aux personnes qui n’en avaient pas forcément les moyens de voyager. Easyjet a démocratisé les trajets en avion, Airbnb fait de même avec les hôtels en proposant un choix incroyable à des tarifs réduits.»

Hypercapitalisme masqué

Dans les faits, les sociétés de la nouvelle économie représentent une double menace pour les finances publiques. Nous l’avons vu, elles créent peu d’emplois. Pire, elles ne paient quasiment pas d’impôts grâce à d’habiles montages fiscaux. Dans une période où les restrictions budgétaires sont de mise, cela commence à irriter nos élus.

Qualité des prestations

«Ces nouveaux modèles d’activité économique sont un défi pour nos sociétés, ils posent des questions sensibles qui touchent à la formation, au marché de l’emploi, à la juste fiscalisation des revenus, mais aussi au contrôle de qualité des prestations et aux droits des consommateurs, rappelle Serge Dal Busco, conseiller d’Etat en charge des finances. Il faut un peu de temps pour digérer ces modèles et les intégrer à nos systèmes sociaux et économiques, et l’une des difficultés est d’apporter un cadre cohérent au plan international à des prestations qui se jouent souvent des frontières.»

Eldorado américain

Si ces entreprises majoritairement nées en Californie ont tout pour séduire le consommateur, elles sont d’abord de formidables machines à faire de l’argent pour leurs propriétaires. Reste que cet Eldorado sans foi ni loi commence à s’effriter. A Genève, certaines régies réagissent à la sous-location abusive et les dénonciations se multiplient. La prise de conscience se généralise et une réalité se fait jour: la nouvelle économie n’est pas l’Eldorado des utilisateurs, mais celui de l’hypercapitalisme…

Trois questions au directeur général de Payot

Fabio Bonavita: Que reprochez-vous concrètement à Amazon?

Pascal Vandenberghe: Le géant américain pratique l’optimisation fiscale, pas seulement en matière d’impôts, mais aussi au niveau des taxes et notamment de la TVA. Et puis, on constate une politique sociale plus proche de l’esclavage que d’une société moderne. Il y a donc bien quelqu’un qui paie le prix du client final. Ce sont souvent les collaborateurs, mais aussi les Etats car il y a un manque à gagner. C’est aussi un problème de distorsion de concurrence.

– Que faites-vous pour lutter contre ce concurrent?

– Cela fait longtemps que nous avons dû nous adapter. Le service fait la différence. Il y a aussi une prise de conscience importante de la part du consommateur qui achète sur Amazon ou fait du tourisme d’achat. Les gens ne doivent pas oublier qu’ils sont des contribuables et que tout ce qui vient en moins dans l’économie suisse signifie soit moins de services publics soit davantage d’impôts.

– Et votre chance aussi, c’est qu’en Suisse, l’achat en ligne par carte de crédit n’est pas dans les mœurs?

– C’est vrai, les clients suisses ont très peur de régler leurs achats en ligne, ils préfèrent payer sur facture. 90% des personnes choisissent ce moyen de paiement sur notre site.