Les cafetiers pourront vendre leurs déchets

Les restaurateurs genevois seraient assis sur une mine d’or ignorée: leurs ordures. Une coopérative valaisanne propose l’achat des ruclons de cuisine dont le recyclage est aujourd’hui coûteux. Révolutionnaire? Chacun pourra juger. La coopérative espère exploiter le filon, dès ce printemps.

  • Le volume quotidien de déchets pourrait rapporter gros aux propriétaires de bistrots. CAA

    Le volume quotidien de déchets pourrait rapporter gros aux propriétaires de bistrots. CAA

«L’efficacité économique annule les coûts»

Charles Nicollerat, fondateur de la Coopérative «BOOBBAA»

«Les producteurs doivent être payés pour ce qu’ils fournissent et non pas taxés pour être débarrassés de leur matière première!» La phrase claque comme une revendication, mais BOOBBAA est une coopérative et la matière première dont parle ici Charles Nicollerat, son fondateur, est particulière: les déchets que produisent les restaurants genevois!

Le prix du débarras

A défaut – jusqu’ici – d’être une mine, les épluchures, relavures, huiles, plastiques et tout ce qui traîne sur les tables, une fois les repas consommés, forment une montagne aux dimensions respectables. «Je paye plus de 25 francs par jour à des entreprises spécialisées pour qu’elles m’en débarrassent», témoigne ainsi Christian Chabbey, patron du Rond-Point à Plainpalais un café de ville de belle taille. Certes, l’enlèvement des cartons est gratuit, mais tout le reste coûte ainsi à ce cafetier près de 10’000 francs par année.

«L’argent n’est pas tout», ajoute Yohann Lomet, patron de l’Eléphant dans la canette, et membre du comité du Groupement des restaurateurs genevois: «Les solutions proposées par BOOBBAA nous parlent. C’est un discours tout à fait actuel qui veut révolutionner le recyclage, totalement en phase avec nos valeurs.»

Conquérir l’efficacité

Révolutionnaire, le mot est fort. Comment donc une coopérative installée à Sion pourrait-elle payer pour des ordures? Pas de miracle, assure M. Nicollerat, idéologue de la structure: «Il s’agit avant tout d’optimiser les flux. Aujourd’hui, il existe une nuée de professionnels qui récoltent, transportent, trient, recyclent, mettent en valeur dans une anarchie presque complète. Mais si vous pouvez fournir à un acteur une marchandise calibrée pour lui, il l’achètera à bon prix.»

Bon tri

Le PET peut servir d’exemple. Les bouteilles sont de toutes les couleurs, les bouchons doivent être jetés avant de broyer, compresser et retraiter le produit. «Mais si vous livrez des bouteilles à une entreprise qui n’a pas de broyeur, explique M. Nicollerat, elle devra sous-traiter et cela engendre des coûts. A l’opposé, si j’amène un produit déjà broyé à une société qui possède une broyeuse, celle-ci n’amortira pas son installation.»

Au cœur du projet, l’humain. Fournisseur de matière première, trieur ou récolteur, il est au centre d’un système qui veut à la fois créer de l’emploi et effectuer toutes les actions, du stockage au retraitement, le plus localement possible. C’est ce surcroît d’efficacité qui doit permettre de récompenser les producteurs de déchets. Chacun pourra juger sur pièces, puisque BOOBBAA espère bien démarrer à grande échelle dès ce printemps à Genève.