«Ma présidence sera celle de quelques records»

- Jean-Marc Guinchard, président du Grand Conseil, se livre sur les 100 premiers jours de son mandat.
- Il dévoile aussi les enjeux d’une présidence exceptionnellement rallongée par la nouvelle Constitution.
- Interview du premier citoyen du canton qui n’a pas vraiment bénéficié d’une période de grâce.

  • Le PDC Jean-Marc Guinchard a été désigné président du Grand Conseil, le 25 février.

    Le PDC Jean-Marc Guinchard a été désigné président du Grand Conseil, le 25 février.

– GHI: Jean-Marc Guinchard, vous êtes président du Grand Conseil depuis plus de 100 jours. Quelles sont vos premières impressions?

– Ma présidence sera celle de quelques records.

– C’est-à-dire?

– J’ai été le seul président du Grand Conseil élu contre 18 candidats. Tous MCG il est vrai. D’ordinaire, la bagarre s’engage uniquement pour le poste de deuxième vice-président.

– D’autres records?

– Oui. Ma présidence durera 13 mois. Soit un de plus que de coutume et cela pour que le parlement se mette en conformité avec la Constitution. Cette rallonge me permettra de couvrir deux fois le Salon de l’Auto en qualité de premier citoyen du canton. Une autre première.

– Côté bilan, quels ont été les éléments marquants de ces 3 mois en haut du perchoir?

– D’abord l’ampleur du travail administratif et l’agenda très chargé. Ensuite, la tension constante pendant les sessions. En rentrant chez moi, il me faut bien une heure pour faire retomber l’adrénaline. Enfin, la représentation hors parlement. Là, c’est du pur plaisir. Je savoure, comme lors de la soirée citoyenne. C’était ma première sortie officielle.

– Et côté défis à relever?

– Il y en a plusieurs. Le premier n’est pas simple et il se prolonge. Au Bureau, il y a deux élues, Christina Meissner et Magali Orsini, en voie d’exclusion de l’UDC et d’Ensemble à Gauche. Comme il n’existe pas de procédure de destitution du Bureau, ces 2 élues vont continuer à siéger en indépendantes. Leurs partis vont vraisemblablement nommer deux autres membres. Le Bureau pourrait ainsi passer de 7 à 9 personnes dont certaines avec des relations conflictuelles. Une situation délicate à gérer!

– Au chapitre gestion délicate, Genève souffre d’un grand retard sur Vaud. Faute d’objets à débattre, les députés vaudois se retrouvent souvent au chômage technique. A Genève, le Grand Conseil est structurellement engorgé. Comment corriger le tir?

– Difficile de comparer les deux parlements. Dans le canton de Vaud, par exemple, seul le Conseil d’Etat peut déposer un projet de loi. Nous avons déjà modifié l’horaire des plénières. Des motions et projets de loi partent désormais directement en commission. Grâce à ces mesures, nous avons déjà sensiblement réduit le temps de travail et sommes passés à moins de 100 objets à l’ordre du jour.

– Autre problème, le Grand Conseil coûte très cher, près de 12,5 millions annuels contre 8 pour Vaud. Comment réduire cet écart?

– Les élus doivent se demander en permanence ce qui peut être fait autrement, moins cher. Savoir aussi se remettre en question tout en se demandant en quoi notre travail arrange les administrés. Reste que le Grand Conseil est prêt à assumer ce coût supérieur aux autres cantons certes, mais pas exagéré.

– Un rapport avait montré que le nombre de commissions est le plus élevé du pays, environ 25. Ne faudrait-il pas soigner cette «commissionnite» aiguë?

– La Constituante a échoué à en réduire le nombre. Il est vrai que 15 commissaires par commission cela fait beaucoup de jetons de présence. Mais cela correspond aussi à l’esprit des Genevois. Ces commissions sont une excellente occasion pour les députés d’être à l’écoute de la population et d’en prendre le pouls.

– Avec quels objectifs?

– Le principal souci, c’est le bien commun. Les députés doivent systématiquement se demander ce qu’apportent leurs interventions au bien-être de la population et à celui de la République. La Patrie nous a confié ses destinées (lire ci-dessous). Nous devons tous nous montrer à la hauteur de cette haute charge et de notre serment à la servir.

Portrait express

Jean-Marc Guinchard est né le 26 janvier 1954. Originaire de Fribourg et Neuchâtel, il a fait ses études à Fribourg et obtenu une maturité au Collège St-Michel, puis un master en droit. Arrivé à Genève en 1980, il débute son activité professionnelle auprès de la Fédération des Entreprises Romandes comme secrétaire patronal. En 1994, il devient secrétaire général de l’Association des Médecins de Genève (AMG), puis est appelé en 2004 auprès du conseiller d’Etat Pierre-François Unger afin de reprendre la Direction générale de la santé. Membre de l’Assemblée constituante, il entre au parlement en 2013. Le 25 février 2016, ses pairs l’ont élu à la présidence du Grand Conseil.

L’importance du discours persuasif

Parmi les nouveautés introduites par le président du Grand Conseil, il y a celle de l’exhortation, lue au début de chaque séance. «L’exhortation revêt une grande importance et est symboliquement forte», clarifie Jean-Marc Guinchard. Qui poursuit: «D’abord, elle rappelle que nous tenons notre fonction du corps électoral et que c’est la Patrie qui nous a confié ses destinées afin que nos travaux se déroulent pour son bien, donc pour le bien commun. Elle nous appelle aussi à remplir consciencieusement notre mandat, ce qui n’est pas anodin et fait appel à notre responsabilité d’élus, qui avons des comptes à rendre et qui exerçons une fonction qui n’est qu’éphémère. L’exhortation doit nous rendre modestes quant à notre rôle et nous rappeler l’ampleur de notre tâche et la responsabilité qui nous est confiée dans ce contexte.»