Prix à la pompe: de qui se moque-t-on?

Entre les stations-service, la guerre fait rage pour attirer le client. Le coût d’un plein varie jusqu’à 20% d’une pompe à l’autre. Les automobilistes et scootéristes sont les vaches à lait de cette foire d’empoigne.

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«Les revenus liés à l’essence ne suffisent plus pour faire vivre les stations-service»

Martin Stucky, porte-parole de l’Union pétrolière suisse

Pierre est un cadre dynamique dans le milieu bancaire. Chaque année, il parcourt 60’000 kilomètres à bord de son BMW X5. S’il décide faire le plein de sans-plomb 95 à Genève, ses frais annuels d’essence seront de 9540 francs, s’il choisit la station de Gampelen, dans le canton de Berne, il déboursera 8160 francs. Une différence de prix énorme qui l’énerve au plus haut point. «C’est le même produit, dans le même pays, on se moque vraiment de nous! Pour ne plus me faire avoir, je vais désormais sur le site Carburants.ch qui donne les meilleurs prix en Suisse.»

Cette sensation d’être le dindon de la farce est partagée par Jean-Marc. «On se fout de notre gueule», peste ce cadre souvent sur les routes du pays. «Le prix du baril du pétrole a baissé de plus de 40% en une année mais cela ne suit pas du tout à la pompe», s’énerve-t-il (voir infographies). Pour beaucoup d’automobilistes, de motards et de scootéristes, la variation des tarifs paraît d’autant plus incompréhensible que près de 45% du prix d’un litre d’essence est constitué de taxes prélevées par la Confédération, et donc incompressibles.

Diversification obligatoire

Comment, dès lors, expliquer ces énormes disparités? Si Tamoil a refusé de répondre à nos questions, Migrol a accepté de lever une partie du voile. «C’est vrai, le prix des carburants varie régionalement. Chaque station-service s’oriente dans un marché local différent, dépendant du trafic, des prix de l’immobilier et de la situation concurrentielle. Dans des régions avec une densité importante de pompes, les prix sont normalement plus bas. Ce phénomène n’a rien d’extraordinaire, il est le résultat d’un marché qui fonctionne, où l’offre et la demande dirigent le prix.»

Si l’on suit ce raisonnement, comment expliquer que Vaud et Genève affichent des prix élevés? Il y a forcément une raison cachée puisque les bénéfices des pompistes sur les carburants sont infimes. Selon Yves Gerber, porte-parole du TCS, la marge sur un litre d’essence est de 17 centimes pour le revendeur. Nettement insuffisant pour payer les charges de personnel, le loyer de la station et tous les frais liés à la revente des carburants. Les boissons, les journaux et les aliments, disponibles dans les shops rapportent bien davantage.

L’essence ne serait donc qu’un produit d’appel. «Cela fait longtemps que les revenus liés à l’essence ne suffisent plus pour faire vivre les stations-service, précise Martin Stucky, porte-parole de l’Union pétrolière suisse. Elles doivent se réinventer et diversifier leurs revenus.» La situation n’est pas près de changer. Au contraire, les différences de prix risquent d’être encore plus grandes ces prochaines années car la guerre entre stations s’intensifie…

Un franc fort qui agace

Avec un euro qui est quasiment à parité avec la monnaie helvétique, les prix se sont inversés entre la Suisse et la France. Alors qu’avant les automobilistes de l’Hexagone venaient se ravitailler en terres genevoises profitant de tarifs plus bas, c’est tout le contraire maintenant. Avec des conséquences directes pour les patrons de pompes. «Je dois faire face à une baisse de 25% de mon chiffre d’affaires depuis janvier, tonne Patrick*, gérant d’une station proche de la frontière française. Si ça continue, je vais devoir licencier du personnel. Les gens sont mesquins, ils ont de l’argent et font des kilomètres pour économiser quelques francs. Il faut se rendre compte que ça fait des dégâts à notre économie, on se tire une balle dans le pied!» Comme Patrick, ils sont nombreux à espérer une remontée du cours de l’euro. Ce qui, selon les analystes, ne devrait pas arriver avant plusieurs mois…

*nom connu de la rédaction