Travail d’intérêt général: une foutaise!

- Les petites peines au profit de la collectivité publique font un bide à Genève.
- L’autorité manque de personnel pour encadrer les condamnés devant soutenir les aînés en EMS ou nettoyer les parcs, tags, transports publics…
- Cette sanction est généralement assortie du sursis.

  • Nettoyer des parcs plutôt que d’aller en prison?  Une sanction rarement appliquée. PASCAL BITZ

    Nettoyer des parcs plutôt que d’aller en prison? Une sanction rarement appliquée. PASCAL BITZ

«Le condamné doit être volontaire, on ne peut pas le forcer»

Laurent Forestier, chargé de communication au DSE

Le travail d’intérêt général (TIG) ne fonctionne pas à Genève. Cette sanction, qui permet notamment de désengorger les prisons pour des peines de moins de six mois, est un leurre. Pour n’avoir pas payé une pension ou encore être responsable d’un accident, ces petits condamnés n’iront pas forcément aider dans un EMS, une institution sociale, ni même balayer dans un parc. Et encore moins effacer des tags ou poutzer des bus. Notre canton pratique en effet à dose homéopathique cette forme de sanction pénale.

Manque d’aides

«En 2014, une centaine de prévenus ont pu bénéficier du travail d’intérêt général, rappelle Henri Della Casa, chargé de relations médias au pouvoir judiciaire. Il y a également eu 36 condamnations avec sursis.» Pour comparaison, en 2013, 90 personnes ont dû effectuer un travail d’intérêt général ferme et 80 ont obtenu le sursis.

Pourquoi un tel laxisme par rapport aux autres cantons (lire ci-contre)? A entendre des membres du barreau, magistrats et autres pénalistes, c’est parce que le canton n’a pas suffisamment d’infrastructures, de personnel pour encadrer ces «petits» condamnés. Du coup, dans la majorité des cas, les juges préfèrent assortir la condamnation d’un sursis. Notamment lorsqu’il s’agit de diffamation ou d’injures.

Sursis genevois

Les dernières condamnations en date sont éloquentes. Une élue municipale écope de 120 heures de travail d’intérêt général pour diffamation et injures (GHI 5.2.15). La peine est assortie avec sursis. Toujours à Genève, un policier en course d’urgence, blesse grièvement un scootériste. La justice le condamne à 500 heures de travail d’intérêt général. Avec sursis. La liste des exemples est ici non exhaustive. «A Genève, c’est hélas trop compliqué de mettre en place le TIG, détaille le pénaliste Me Robert Assaël. Car cette forme de sanction est souvent soumise à des conditions difficiles à remplir pour certain type de détenus.» Et d’appuyer: «Il manque à mon avis, une véritable volonté politique et judiciaire en faveur de cette sanction, regrette Me Assaël. Dommage, car elle sert autant l’intérêt du condamné, que celui de la société.»

Volontaire

Mais pour le Département de la Sécurité et de l’économie (DSE), le problème est ailleurs: «Le condamné doit être volontaire, le juge ne peut pas le forcer, contrairement aux mineurs», rappelle Laurent Forestier, Secrétaire général adjoint chargé de communication au DSE.

Rappel à l’ordre

Ainsi, Genève est devenue championne suisse de la détention provisoire et de la courte peine de prison ferme (de 1 à 6 mois). Ce qui a fait réagir les autorités l’an dernier, lors des Etats généraux de la justice et de la détention.

Face à la surpopulation carcérale, les politiques ont en effet préconisé l’idée urgente d’élargir le spectre de la condamnation du TIG aux personnes sans statut légal, ne pouvant être expulsées. Ils estimaient qu’il serait en effet plus judicieux de leur faire effectuer un travail pour la collectivité publique plutôt que de les envoyer quelques jours à Champ-Dollon. Mais pour cela, il faudrait changer la Constitution: le TIG est pour l’heure uniquement réservé aux résidents suisses.

Les avantages du travail d’intérêt général

Qu’est-ce que le TIG?

Prévu par le Code pénal, le TIG est une sanction, pouvant aller jusqu’à 720 heures, qui peut être infligée à une personne, résidante en Suisse. Elle doit être est volontaire et donner son acoord pour remplacer une peine privative de liberté de moins de six mois. Le TIG est ainsi réservé aux infractions les moins graves. Le sursis peut être accordé.

Quelle est la nature du TIG?

Il est accompli au profit d’institutions sociales, d’œuvres d’utilité publique et de personnes dans le besoin. Par exemple: entretien de réserves naturelles et de chemins pédestres, aménagements de places de jeux, soutien à des personnes âgées.

Quels sont les avantages?

S’agissant de sanctionner la petite ou la moyenne criminalité, l’incarcération est souvent une sanction disproportionnée, trop stigmatisante et destructrice. A l’inverse, le  TIG vise à conserver le réseau social et professionnel du condamné. La peine peut être exécutée en plusieurs tranches, mais sur deux ans au maximum, et ceci en dehors des activités professionnelles. Ce travail ne doit pas le couper de sa famille ou de son job. Il est aussi éducatif. Je prends ici l’exemple d’un auteur d’accident de la circulation, qui pourrait être astreint à prendre en charge des victimes de la route.

Quel est le coût du TIG?

L’organisation du TIG nécessite des infrastructures et des fonds. Les sommes investies sont rentabilisées par le condamné, qui n’est pas rémunéré. La société est gagnante puisqu’elle économise le coût de détention.

Le TIG fonctionne-t-il bien?

Malheureusement il y a peu de recours. Le fait que 75% des détenus de Champ-Dollon ne soient pas domiciliés en Suisse n’explique pas tout. ll manque réellement une volonté politique et judiciaire. ChZ