Véhicules de fonction: frontaliers traqués

  • Depuis le 1er mai 2015, les frontaliers ne peuvent plus utiliser leur voiture de fonction à titre privé. 
  • A la douane, les contrôles seront plus fréquents et minutieux. 
  • En cas de fraude, de lourdes sanctions sont prévues.

  • Les frontaliers ne pourront passer la frontière avec leur véhicule de fonction que pour aller de leur domicile à leur lieu de travail. PASCAL BITZ

    Les frontaliers ne pourront passer la frontière avec leur véhicule de fonction que pour aller de leur domicile à leur lieu de travail. PASCAL BITZ

«Il y avait beaucoup d’abus, cette nouvelle loi a pour but d’y mettre un terme»

Michel Charrat, président du Groupement transfrontalier européen

Un privilège en moins? Une discrimination en bonne et due forme? Le changement de loi de l’utilisation transfrontalière de voitures d’entreprise réjouit certains et irrite d’autres. Concrètement, les trajets effectués par les frontaliers avec leur véhicule de fonction immatriculé en Suisse ne sont désormais autorisés que pour se rendre à son domicile ou à son lieu de travail.

Fin des privilèges

«C’est totalement absurde, tonne Paul *, électricien habitant Annecy et travaillant à Genève. Avant, je partais parfois dans le sud de la France avec la voiture de ma société, désormais, je vais devoir acheter une seconde voiture pour le faire. Et après on nous parle de limitation du parc automobile et d’écologie, c’est débile!» L’énervement de Paul n’est pas un cas isolé, ils sont en effet nombreux à pester contre ce changement législatif qui supprime un privilège offert par certaines sociétés suisses.

Une décision européenne

La colère est d’autant plus grande que la modification législative vient de Bruxelles. «C’est une décision européenne, précise Michel Charrat, président du Groupement transfrontalier européen. Je pense que des négociations vont avoir lieu entre les syndicats et les entreprises afin d’imaginer des compensations. Mais, si ce changement a été décidé, c’est qu’il y avait beaucoup d’abus.» Cette nouvelle loi va-t-elle y mettre un terme? «Je n’en suis pas certain. Dans tous les cas, pas de panique, car nous avons demandé un délai supplémentaire, que nous avons obtenu, avant les premiers contrôles effectués à la douane.»

Pour éviter toute mauvaise surprise et prouver en tout temps qu’il s’agit d’un véhicule de fonction, le contrat de travail, ou une copie, doit se trouver à bord des véhicules.

Surveillance accrue

Si le frontalier décide d’outrepasser cette nouvelle loi, que risquera-t-il? Le trajet privé pourra être considéré comme une importation, ce qui occasionnera le dédouanement du véhicule et le paiement de la TVA. Au final, avec un droit de douane à 19% de la valeur, une amende et une plainte pénale, pas sûr que le jeu en vaille la chandelle. «Nous effectuerons des contrôles réguliers au sein des zones frontalières, confirme Stabsadj Attila Lardori, porte-parole de l’Administration fédérale des douanes. Il est important de rappeler que ce changement ne concerne que les frontaliers. Pour les résidents suisses, il n’y a pas de modification.» Pour pouvoir faire des trajets privés et professionnels sans limite, il reste une seule solution: la double immatriculation. Pour ce faire, le véhicule doit être taxé simultanément dans le pays européen concerné et en Suisse. Avec l’augmentation des frais que cette démarche suppose…

* nom connu de la rédaction

Variation européenne

 Le problème avec la législation européenne, c’est qu’elle est parfois à géométrie variable. Alors que la France et l’Allemagne adoptent une approche assez tolérante à l’égard de l’utilisation privée d’une voiture d’entreprise par un employé frontalier, l’Italie n’autorise une utilisation privée que dans le cadre du trajet jusqu’au lieu de travail. En revanche, l’Autriche a constaté que tous les collaborateurs ne sont pas considérés comme employés dans le sens de l’ordonnance en question (notamment les personnes associées à l’entreprise). Conséquence directe, le code des douanes devient opaque pour les employés de bonne foi. De plus, cette différence de traitement implique inévitablement une bureaucratie écrasante qui ne sert personne: ni les travailleurs, ni les entreprises, ni les Etats…