La droite est partout

POUVOIR • Partout en Suisse, la droite marque des points. A Genève, la gauche minorisée peine à lui répondre. Au lieu de faire de la politique, elle se contente trop souvent d’asséner des leçons de morale. Elle a tort: cela n’est pas la bonne méthode.

  • Si la gauche veut éviter d’autres défaites, un changement d’attitude s’impose. ISTOCK/BERNARDASV

    Si la gauche veut éviter d’autres défaites, un changement d’attitude s’impose. ISTOCK/BERNARDASV

«La gauche est là, mais à Genève elle a perdu le goût de la victoire»

Pascal Décaillet

Majoritaire au Conseil municipal de la Ville de Genève. Majoritaire au Grand Conseil. Majoritaire au National, ne parlons pas des Etats. La droite est de retour, à tous les échelons de notre vie politique suisse. Elle s’impose par la voie des urnes: nul putsch, nul pronunciamiento ne l’a amenée au pouvoir, si ce n’est la volonté du peuple, le chemin normal de la démocratie. Il y a ceux qui s’en réjouissent, ceux qui s’en plaignent, c’est le jeu. Alors, bien sûr, en Ville de Genève comme au Canton, comme au niveau fédéral, la gauche traverse des moments difficiles. Pas tellement parce qu’elle est minorisée (elle en a historiquement l’habitude), mais parce que certains de ses logiciels de pensée apparaissent comme usés. D’où la nécessité d’un aggiornamento intellectuel: les leaders de gauche, en Suisse, y sont-ils prêts?

Grands hommes

En reconnaissent-ils seulement la nécessité? Ou préfèrent-ils le déni?Il ne s’agit pas de demander à la gauche de renier ses valeurs. Nous avons avec elle, depuis deux siècles, une grande famille de pensée de notre espace politique, elle sera toujours là, quelles que soient les appellations. Et elle a, en tout cas du côté socialiste, donné les plus grands hommes à notre pays: le conseiller fédéral bâlois Hans-Peter Tschudi (1959-1973), auteur de trois révisions de l’AVS, ou encore, à Genève, André Chavanne (1961-1985), qui a tant fait pour l’Ecole, dans notre canton. Mais n’oublions pas les vivants: je pense en priorité à Pierre-Yves Maillard, président du gouvernement vaudois, qui eût fait un excellent conseiller fédéral. Oui, la gauche suisse est là, parfaitement légitime dans son combat, nécessaire à la dialectique politique de notre pays.

Incompréhension

Elle est là, mais à Genève, notamment, elle a perdu le goût de la victoire. Comme si certains de ses leaders avaient égaré, dans le vestiaire d’un cocktail, les grilles de lecture de la société d’aujourd’hui. Au Municipal de la Ville, dans le débat budgétaire 2016, une certaine gauche semble n’avoir tout simplement pas compris qu’elle n’était plus majoritaire. Elle l’est, pourtant, ce sont les faits, jusqu’au printemps 2020. Alors, on se cramponne. Face à la volonté (certes assez brutalement libellée) de la droite de couper dans les dépenses culturelles, on se braque, on fait la morale à l’adversaire, comme s’il avait intrinsèquement tort, et qu’il y aurait bien, un jour, un Jugement dernier pour le lui signifier. Bref, on se drape dans la posture de ceux qui ont philosophiquement raison, et qu’une injustice provisoire a relégués, pour cinq ans, au rang de minoritaires d’un délibératif.

Perdants pleureurs

Ça n’est évidemment pas la bonne méthode. Les jérémiades n’ont jamais permis de faire avancer les choses. En politique, il faut faire… de la politique! Par exemple, en attaquant, là où on peut, par des référendums. Le même mécanisme de perdants pleureurs s’est installé au Grand Conseil. Et je n’ose imaginer le comportement, sous la houlette du nouveau chef de groupe, le Vaudois Roger Nordmann, des socialistes au National, pour la législature 2015-2019!

Eh bien, cette gauche-là a tort. Ses leçons de morale, plus grand monde aujourd’hui ne veut les entendre. Si elle se cramponne à ses vieux logiciels usés, alors d’autres défaites, encore, l’attendent, pour les années qui viennent.