La victoire des alliances

ELECTIONS • Principales leçons des municipales: les solitaires ont vécu, les alliances ont duré. Un système qui favorise les regroupements, même contre nature.

  • Dimanche 19 avril à Uni-Mail, beaucoup ont pu vivre en direct les résultats des élections.  DAVID ROSEMBAUM-KATZMAN

    Dimanche 19 avril à Uni-Mail, beaucoup ont pu vivre en direct les résultats des élections. DAVID ROSEMBAUM-KATZMAN

La solitude est l’une des plus belles choses du monde. L’homme seul, avec ou sans la compréhension des équations de Newton, ressent intensément la verticalité de son existence sur la terre. Mais en politique, pour gagner, il est tout de même préférable de passer, de temps à autre, quelques alliances. Parce que la machinerie politique est collective: elle implique la mise en marche de groupes de militants, allant si possible dans le même sens, poursuivant les mêmes objectifs, capables d’inscrire leurs actes individuels au service de l’ensemble. Et on peut, tant qu’on veut, cultiver l’image du héros, s’être empli des biographies d’hommes illustres, chez Plutarque ou chez Lacouture, on en revient toujours à l’implacable mécanique: en politique, il faut actionner la masse.

La loi physique de l’efficacité

Et c’est exactement pour cela que certains partis, ceux qui ont su faire des alliances, ont mieux réussi que d’autres aux municipales genevoises, ce dimanche 19 avril. La bonne vieille Entente, PDC + PLR, bientôt octogénaire, impose la loi physique de son efficacité, par exemple en Ville de Genève, où elle parvient à placer le PDC Guillaume Barazzone, magistrat sortant, en deuxième position, et le PLR Pierre Conne en cinquième. En clair, elle prend une option pour virer, au deuxième tour, le dimanche 10 mai, Rémy Pagani, et installer, pour cinq ans, deux des siens, face à trois de gauche, à l’exécutif de la Ville. Une option, oui, mais sans plus: car Ensemble à Gauche, qui a commis au premier tour l’erreur de partir seul au combat, avec de surcroît trois candidats, va tout entreprendre pour corriger le tir pour le second tour. Et en fonction des alliances qu’il arrivera peut-être à forger, Rémy le Rouge pourrait se maintenir.

Le MCG confirme son ancrage

De même, le MCG. Soyons clairs: contrairement à ce qu’annonçaient, triomphants, lundi 20 avril, lendemain de l’élection, les éditorialistes qui guettent depuis des années le moindre embryon de revers de cette formation politique, le MCG se maintient dans les communes genevoises. Il obtient 11 élus municipaux en Ville de Genève, 4 à Carouge, 3 à Chêne-Bourg, 1 à Confignon, 9 à Lancy, 6 à Meyrin, 8 à Onex, 4 à Plan-les-Ouates, 3 à Thônex, 12 à Vernier, 3 à Versoix. Pour un parti n’ayant émergé qu’en 2005 sur la scène politique genevoise, c’est la lente confirmation d’un ancrage, la patiente mise en terre d’un enracinement. Bien sûr, pour les exécutifs, c’est une toute autre affaire, comme nous l’avions prévu ici même avant le scrutin: le système majoritaire, dans les communes genevoises comme dans le scrutin uninominal à deux tours de la République française, oblige à des alliances pour gagner. C’est ainsi. Ce sont les règles du jeu. On peut aspirer à les changer. Mais pour l’heure, elles prévalent.

Quels buts communs?

A gauche aussi, les alliances ont mené à la victoire. Ainsi, entre socialistes et Verts, dans les exécutifs des grandes communes suburbaines: Lancy, Onex, Carouge, notamment. La grande leçon que doivent maintenant tirer, à gauche comme à droite, certains partis trop solitaires, est celle des alliances. En fonction de quels buts communs? En se donnant quels moyens, et surtout en acceptant quelles concessions, pour parvenir à ses fins? Telle est la politique: un enchaînement d’actes au service d’un but, comme le concevaient Machiavel, Mazarin ou Bismarck. Et non d’improbables rêveries, à l’ombre bleue des nuages.