Le patronat n’appartient pas aux libéraux

MUNICIPALES • On peut être entrepreneur, se démener, se rendre utile à la société, sans être affidé à l’idéologie du capitalisme financier, et aux partis qui la soutiennent. Dans ce contexte, la colère de l’UDC genevoise contre les représentants du patronat mérite d’être entendue.

  • La Fédération des entreprises romandes est dans la ligne de mire de l’UDC. ISTOCK

    La Fédération des entreprises romandes est dans la ligne de mire de l’UDC. ISTOCK

«Non, les patrons ne sont pas tous libéraux»

Pascal Décaillet

L’UDC genevoise voit rouge. Dans un communiqué publié le 8 avril, sa présidente, Céline Amaudruz, ainsi que le secrétaire général, Eric Bertinat, disent leur colère. Ils s’en prennent à une lettre, adressée par les plus hautes autorités de la FER (Fédération des entreprises romandes), soit le président Nicolas Brunschwig et le directeur général Blaise Matthey, aux 27’000 entreprises membres de cette organisation patronale, «pour favoriser, en Ville de Genève, le candidat PDC Guillaume Barazzone». L’UDC genevoise, parti de droite, favorable à l’esprit d’entreprise et à la libre concurrence, voit dans ce soutien non seulement une injustice, mais aussi un décalage complet face à la situation actuelle de l’économie genevoise. Assurément, les arguments et le courroux de ce parti méritent d’être entendus.

Liberté de choix

Bien entendu, la FER est une organisation libre de ses choix et préférences, elle a le droit de soutenir qui elle veut. Libre à ses entrepreneurs membres (dont votre serviteur) de tenir compte ou non de ses mots d’ordre, après tout nous sommes adultes et vaccinés. Mais tout de même, des questions se posent. Au-delà de cette faîtière et de Genève, pourquoi diable les représentants du patronat, en Suisse, sont-ils à ce point liés aux libéraux, au capitalisme financier, à une conception de l’économie dont le pays tout entier est gentiment en train de revenir, avec le retour des frontières, celui du sentiment d’appartenance, et surtout celui de préférence aux résidents. Préférence cantonale. Préférence nationale, jusqu’à un certain Christophe Darbellay, président du PDC suisse?

Partis d’entreprise

Ce qui exaspère l’UDC genevoise, c’est le soutien sans faille de la FER aux partis de l’Entente (PLR, PDC). Comme si l’UDC ou d’ailleurs aussi le MCG, les Verts, les Verts libéraux, d’autres encore, n’étaient pas eux aussi des partis d’entreprise. Mais justement, de petits entrepreneurs souvent! Ceux qui prennent tous les risques. Investissent (donc risquent de perdre) leur propre argent, leur patrimoine. Et qui ont moins accès que d’autres à certains crédits bancaires. Ce sont pourtant ces méritoires aventuriers-là qui sont la sève et le sang de l’économie genevoise de proximité, sa respiration, son poumon. «Ni le PLR, ni même le PDC, poursuit le communiqué de l’UDC, ne sont aujourd’hui les acteurs principaux de la politique économique.»

Et ils rappellent ce récent classement de l’USAM (Union suisse des arts et métiers), la faîtière nationale des petits patrons, notamment dans le commerce et l’artisanat, reconnaissant l’UDC comme le parti le plus proche de l’économie en Suisse.

Des changements s’imposent

Tiens l’USAM, un mot sur le sujet. Depuis que la présidence de cette organisation, longtemps radicale, est assumée par une personnalité UDC de premier rang, le Fribourgeois Jean-François Rime, on voit fleurir, sous d’improbables plumes libérales, tous les reproches du monde contre ses nouvelles orientations. Comme si la norme, pour l’éternité, de tous les représentants du patronat en Suisse, était la totale obédience à l’idéologie libérale et à ses affidés. Oui, sur ce coup l’UDC genevoise a eu raison de rugir. Non, les patrons ne sont pas tous libéraux. Oui, certaines organisations, à Genève comme en Suisse, sont en retard de plusieurs guerres. Des changements s’imposent.