«Merci, Serge Dal Busco!»

FINANCES • Tard dans la soirée du samedi 27 juin, le ministre des Finances a posté sur Facebook un rappel à l’ordre, pour certains de ses collègues, trop gourmands et trop légers. Un signal.

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«Les autorités nous ont bien fait rêver avec des projets mirifiques. Hélas, les caisses sont vides!»

Pascal Décaillet

CEVA, PAV, traversée du lac, et maintenant extension souterraine (1,652 milliard) de la gare Cornavin! Sans oublier la nouvelle prison, le nouveau Palais de Justice, la Nouvelle Comédie, le Nouveau Musée d’Art et d’Histoire. Elles ont été très gourmandes, nos autorités (toutes, exécutives et législatives, Ville et Canton), depuis une bonne quinzaine d’années. Elles nous ont bien fait rêver avec des projets mirifiques. Hélas, les caisses sont vides. La dette du Canton est abyssale. Une chose est sûre : on ne pourra tout faire. Il faudra dégager des priorités. Ça tombe bien: gouverner, c’est choisir. Mais cela va se faire dans la douleur, d’aucuns se sentiront floués, avec le risque de ressentiment que cela implique. Mais c’est la vie, c’est le jeu : nous allons vers un temps de vaches plus maigres, tous les grands projets pharaoniques des années de mirages et d’argent facile ne pourront être réalisés.

Style François Mitterrand

Depuis deux décennies, pour se faire élire, ou réélire, à Genève, on joue la carte des grands projets. Les grands chantiers, style François Mitterrand, Musée d’Orsay, Défense, Pyramide du Louvre. On nous fait beaucoup miroiter, on caresse nos songes dans le sens de la grandeur, on accompagne cela d’un discours sur l’abolition des frontières, le Grand Genève, le transfrontalier donné comme destin inéluctable. Genève, comme si elle se trouvait miraculeusement affranchie des bordures d’une Suisse dont elle a la charge. Libérée de son lien confédéral avec le pays. Capitale Rhône-Alpine autoproclamée. Genève, dans le miroir de sa prospérité, de sa jouissance libre-échangiste, se contemplant dans l’extase d’elle-même. Comme une bourgeoise qui s’ennuie, en début d’après-midi.

Bourgeoise désargentée

Le problème, c’est que la bourgeoise se trouve singulièrement désargentée. Toute à ses liqueurs, elle a un peu sous-estimé la question des liquidités. Cela s’appelle la dette. Pour Genève, elle est colossale (13 milliards), s’y attaquer est un impératif majeur, sinon nos enfants, pendant des décennies, devront en supporter le fardeau. Eviter le fossé de la dette, c’est la responsabilité de tous : Gouvernement, Parlement, et même le peuple, lorsqu’il est consulté. Mais c’est, encore plus, la tâche d’un homme : le ministre des Finances. Si, lui, ne tire pas la sonnette d’alarme, qui le fera ?

En plein torpeur

Eh! bien, cette alarme, Serge Dal Busco l’a actionnée. Sur son site Facebook, samedi 27 juin, tard dans la soirée, au cœur d’un week-end de chaleur et de torpeur. On venait d’apprendre, quelques heures plus tôt, que le projet d’extension souterraine de la gare Cornavin allait se monter à 1,652 milliard (avec marge d’erreur de 30% !), et d’aucuns avaient eu le culot de titrer la chose comme étant un «soulagement». Il faut croire que le Grand Argentier n’a guère apprécié. De même qu’il se méfie, légitimement, de la part fédérale à payer par Berne, et, d’une manière plus générale, de l’aspect foireux et botté en touche des PPP, les «partenariats public-privé», entendez ce qu’on sort du chapeau, lorsque l’Etat n’est plus en mesure de financer un projet. Eh! bien affirmons-le haut et fort : notre ministre des Finances a eu 100% raison de faire connaître sa position. Rappelant à certains de ses collègues, bien gourmands et bien légers, la dureté des réalités. Il est totalement dans son rôle. Merci, Serge Dal Busco!