PAV: poudre aux yeux!

CHANTIERS • Et si le projet «Praille-Acacias-Vernets» n’était, depuis dix ans, qu’un immense miroir aux alouettes? Car il faut se rendre à l’évidence: le PAV, pour l’heure, ce ne sont que des mots et des rêves.

  • Il y a dix ans, on nous présentait le PAV comme le nouveau Manhattan. ISTOCK/ABSOLUTE100

    Il y a dix ans, on nous présentait le PAV comme le nouveau Manhattan. ISTOCK/ABSOLUTE100

«En 2024, ils seront là les gratte-ciel?»

Pascal Décaillet

Le PAV: voilà une décennie qu’on nous balance des promesses. On nous fait miroiter des gratte-ciel dans un futur incertain. Une décennie de belles paroles, comme dans la chanson de Dalida, mais résultat: rien du tout! Pas la moindre tour, même pas de chantier. Juste des maquettes. Des projets. Des accords-cadres, entre l’Etat et les communes. On brode sur l’avenir, on spécule. Mais on ne prend ni pelle, ni pioche. Rien. Le néant. Le quartier Praille-Acacias-Vernets, qu’on nous présentait il y a dix ans comme un nouveau Manhattan, présente exactement la même allure fin 2014 que fin 2004. Et en 2024, ils seront là, les gratte-ciel?

Comme le Grand Genève

Le PAV, c’est comme le Grand Genève. La génération politique qui aura le moins construit depuis la guerre s’avère, par paradoxe, celle qui fait le plus valser les projets dans nos imaginaires. Elle joue avec nos désirs, flatte notre urbanité verticale, celle du héros de l’Amérique, de Kafka, entrant en rade de New York, l’une des premières pages les plus saisissantes de l’univers romanesque. En chacun de nous, il y a un révolutionnaire de l’urbanisme qui sommeille, alors allons-y, caressons ses rêves, excitons ses désirs, donnons-lui du building, densifions sa ville rêvée, ça ne coûte rien. Et ça apporte des électeurs.

Juste un rêve

Oh, dans l’ordre du virtuel, elle est grandiose, Genève. On y truffe la Praille de tours, on y traverse Rade et lac, on y construit des logements par dizaines de milliers, on y voit grand, jusqu’à abolir toute frontière avec la France, constituer une «région» dont la ville de Calvin serait la capitale naturelle. Séduisant, peut-être. Mais juste un rêve. Une projection. Quelques fragments de désir, échappés du réel. Evaporés. Le PAV, le Grand Genève, c’est cela: des gouvernants qui règnent par le perlimpinpin. Jeteurs de poudre! Où l’espace politique devient le Grand Magic Circus. Avec des baguettes, des chapeaux dorés. Et nous, dans le rôle des pigeons.

Projets concrets

Où sont-ils passés, nos conseillers d’Etat constructeurs? Nos Jaques Vernet, nos Christian Grobet, et même nos Philippe Joye? Ces hommes-là n’arrivaient pas avec des projets mondiaux, mais avec des cartes de chantier, concrètes, structurées. Ils informaient la presse lorsque le projet était mûr, les négociations menées, les accords passés. Christian Grobet, dans son bureau de la rue David-Dufour, dépliait une carte pour quelques journalistes seulement, dont votre serviteur, et se livrait à un exposé incroyablement pointilliste, digne d’un chef de chantier, sur l’Alhambra ou le Goulet de Chêne-Bourg. C’était l’extrême contraire: la tyrannie de l’infiniment petit, à la merci d’un magistrat incapable de déléguer, mais animé d’un sens prodigieux du concret. Pour ma part, je préfère la rugosité de cette folie-là, à l’insoutenable légèreté des miroirs aux alouettes.

Moratoire du silence

Je propose ici, sur le PAV, un moratoire du silence. Tant que nous autorités n’ont pas totalement débloqué un projet, avec autorisations de construire et financement sonnant et trébuchant, elles se taisent. Parce que pour l’heure, chaque nouvelle parole, chaque nouvelle promesse, ne font que ruiner un peu plus le crédit de ceux qui les brandissent. De l’infini au zéro, il n’y a parfois que la courbe sublime de l’absurde. Le saviez-vous?