Profs, nous sommes avec vous!

ÉDUCATION • Nous les citoyens, soutenons le corps enseignant! Soutenons-le moralement.Car nous avons besoin des profs: leur tâche de transmission est essentielle dans notre société.

  • Beaucoup d’élèves par classe, statut moins valorisé, etc. Le plus beau métier du monde est de plus en plus dur. ISTOCK/PETROGRADE99

    Beaucoup d’élèves par classe, statut moins valorisé, etc. Le plus beau métier du monde est de plus en plus dur. ISTOCK/PETROGRADE99

«L’Ecole genevoise mérite mieux»

Pascal Décaillet

Enseignant. Le plus beau métier du monde. Mais de plus en plus dur. Les profs aiment leur boulot, mais les conditions d’accomplissement de leur tâche sont toujours plus difficiles. Beaucoup d’élèves par classe (et cela ne va pas s’arranger avec les restrictions budgétaires), statut d’enseignant beaucoup moins valorisé que par le passé, mises en cause constantes, recours. Et puis, le prof n’est évidemment plus, depuis longtemps, le vecteur unique du savoir. Une multitude d’accès à l’information lui font concurrence, à commencer par l’univers numérique, les moteurs de recherche sur internet. A quoi s’ajoute, à Genève, un institut de formation particulièrement critiquable, véritable machine à formater les esprits. Tout cela, additionné, commence à faire beaucoup.

Une profession libérale

Nombre de profs montrent des signes de fatigue, parfois d’épuisement. Nous la société, nous devons leur signifier notre soutien. Leur faire passer un message fort: que nous sommes avec eux, et les considérons comme des personnages très importants de notre société. Pas des machines. Pas des rouages. Pas des numéros sortis par l’IUFE (Institut universitaire de formation des enseignants). Mais des hommes et des femmes dans la fonction desquels nous voulons croire. Parce que dans la nébuleuse de l’indéchiffrable, cet océan de signes, nous avons justement besoin de transmetteurs, de traducteurs, d’initiateurs. En cela, cette profession est profondément libérale. N’entendez pas ce mot au sens économique, ni politique. Mais dans le champ de responsabilités qui doit être celui de chaque prof. Il serait tout de même un peu fort que le petit coin de terre qui fut celui de Calvin, de la Réforme, de l’humanisme, de l’apologie de la responsabilité individuelle, n’accorde pas à ses enseignants le maximum de capacité de choix individuels. Dans le respect des programmes, bien sûr.

La puissance de l’individu

Profession libérale, dans un cadre d’Etat qui doit évidemment demeurer: les enseignants de l’Ecole publique genevoise sont, au sens noble, des fonctionnaires, entendez qu’ils exercent leur activité dans le cadre régalien de la République. Mais cet aspect n’est qu’organique: celui qui touche à leur statut, leur rémunération, etc. Sur l’essentiel, le choix des sujets et la manière de les transmettre, il faut faire confiance à la richesse et la pluralité des individus. Le pire serait de fabriquer des robots: mêmes sujets, mêmes styles, comme si l’enseignement relevait de la science exacte, avec des recettes applicables, mesurables. Alors que dans ce métier, la puissance de l’individu est majeure: son rapport au savoir, mais aussi ses facultés de transmission, son charisme, sa capacité de séduction pour faire passer ses passions, donner vie à des vocations.

Liberté de manœuvre

Rendre à chaque enseignant sa liberté humaniste de manœuvre. Nous en sommes loin: l’institut de formation régente par le corset, les hiérarchies internes sont de plus en plus lourdes, certains apparatchiks donnent l’impression que la vie est grise à mourir. Tout cela, il faudra bien que la nouvelle ministre l’empoigne. Sinon, à trop gérer au jour le jour, elle pourrait encourir à son tour le grief de routine. Ou pire: celui de démission, par abandon, face à la force d’inertie de la machine. L’Ecole genevoise mérite mieux.