A quoi sert un parlementaire?

GRAND CONSEIL • Réponse: à deux choses. Faire des lois. Contrôler le Gouvernement et l’Administration. Ils servent à cela, mais à cela seulement. Le débat politique, lui, est l’affaire de tous les citoyens, sans exception. Le commentaire sur les actes politiques, aussi.

  • Le 10 octobre, le président du Grand Conseil a fait appel aux forces de l’ordre pour expulser le député MCG Eric Stauffer. CAPTURE ÉCRAN GRAND CONSEIL

    Le 10 octobre, le président du Grand Conseil a fait appel aux forces de l’ordre pour expulser le député MCG Eric Stauffer. CAPTURE ÉCRAN GRAND CONSEIL

«Le commentaire, c’est notre rôle à tous, nous les citoyens»

Pascal Décaillet

On parle beaucoup du Grand Conseil genevois, depuis quelques jours, pas toujours en bien. Tentons la question de fond: à quoi sert, exactement, l’institution parlementaire? A quoi servent les Chambres fédérales à Berne, les Grands Conseils dans les Cantons, et aussi (même si, à Genève, on parle de «délibératifs»), les Conseils municipaux de nos Communes? Qu’avons-nous à attendre de nos élus? N’en attendons-nous, au fond, pas un peu trop? Sans remonter à Montesquieu, qui défendit de splendide manière, dans un dix-huitième siècle encore sous le joug de l’absolutisme (en tout cas en Europe continentale), l’Esprit des lois et la nécessité de contre-pouvoir des législatifs, demandons-nous à quoi servent les parlementaires.

Pour faire simple, et ramener à l’essentiel, ils servent à deux choses. D’abord, faire des lois. Puis, contrôler l’activité du gouvernement et de l’administration. A Genève, cette seconde mission s’opère, notamment, par la Commission des finances et celle de Contrôle de gestion. Mais dans les autres Commissions aussi, les parlementaires ont la haute main: ils peuvent convoquer les responsables de l’administration, leur demander des comptes. Et même aussi aux magistrats. Ainsi, les représentants du peuple, au nom de ce dernier, montrent qu’ils sont, au final, les vrais patrons. Ou presque: en Suisse, le souverain ultime, c’est le peuple lui-même, lorsqu’il se prononce, par la voie de la démocratie directe, dans les initiatives et les référendums.

Une tâche immense

Fabriquer des lois, contrôler l’Exécutif. Ça n’est pas rien. C’est même une tâche immense, si on veut l’exercer correctement. La genèse d’une loi, je l’ai vécue de très près à Berne dans mes années comme correspondant parlementaire, est complexe, laborieuse, c’est une horlogerie fine, très suisse au fond, et passionnante dans la palette de ses nuances. Contrôler le gouvernement est, à la vérité, une mission aussi difficile que nécessaire: il faut connaître à fond les dossiers, ne pas se laisser promener par les hauts fonctionnaires, savoir se montrer méfiants, même (et surtout!) face aux ministres de sa propre famille politique. Les groupes parlementaires n’ont pas à être les fan’s clubs de leurs magistrats exécutifs. Oh, ces derniers adoreraient qu’ils le fussent, mais les élus législatifs ne sont pas là pour ça.

Un rôle d’acteurs

Légiférer, contrôler. Cela est déjà immense. Mais cela, seulement. Les parlementaires n’ont pas le monopole du débat politique, qui appartient à l’ensemble des citoyens. Ils ne devraient pas confondre, non plus, leur rôle d’acteurs (ils sont, bel et bien, des décideurs, un parmi cent, ou un parmi quarante-six, ou un parmi deux cents), avec celui de commentateurs. Ce dernier rôle, c’est le nôtre, même pas spécialement celui des journalistes, mais celui de l’ensemble des citoyens. On voit beaucoup trop, depuis un ou deux ans, de parlementaires commentant en direct (chacun y allant de sa chanson), sur des réseaux sociaux, les actes d’une Chambre dont ils sont membres et qui est, à vif, en train de siéger. Désolé, mais ils n’ont pas été élus pour cela. Il leur appartient de siéger, travailler, se battre pour leurs idées, décider, faire les lois, contrôler le gouvernement. Le commentaire, c’est notre rôle à tous. Nous, les citoyens. Lire aussi en pages Une et 7.http://www.ghi.ch/le-journal/geneve/affaire-eric-stauffer-jugez-par-vous...