Thomas Bläsi, salutaire emmerdeur

PARLEMENT • A 43 ans, ce pharmacien multiplie les motions et interpellations concernant la gestion de la Santé à Genève. De quoi mettre le conseiller d’Etat Mauro Poggia hors de lui. Il ne s’agit, pourtant, que de l’exercice normal de la mission de contrôle des parlementaires.

  • Thomas Bläsi, pharmacien et président de la Commission de la Santé au Grand Conseil . DR

    Thomas Bläsi, pharmacien et président de la Commission de la Santé au Grand Conseil . DR

«Thomas Bläsi fait simplement son boulot de député»

Pascal Décaillet

A quoi sert un parlementaire? A deux choses: faire des lois, et contrôler l’action du gouvernement et de l’administration. Oui, un député sert à cela, qui n’est certes pas rien, et à nulle autre chose. Il n’a absolument pas le monopole du débat politique (qui nous appartient à nous tous, les citoyens), encore moins celui de l’expression publique, il doit juste faire des lois et contrôler l’exécutif. Cette seconde fonction, hélas, beaucoup ne l’assument pas, trop heureux de faire partie du «même monde» que les conseillers d’Etat. Cette ignorance de l’une de leurs missions fondamentales est catastrophique, dévastatrice pour le crédit du Parlement, elle renforce dans le public l’idée du «tous copains». Mais heureusement, il y a des exceptions. Parmi elles, un nouveau député, depuis l’automne 2013, qui prend incroyablement à cœur sa tâche de contrôle: Thomas Bläsi.

Infatigable

De qui s’agit-il ? D’un député UDC de 43 ans, pharmacien, président de la Commission de la Santé du Grand Conseil, qui multiplie, depuis quelques mois, les motions, interpellations, questions écrites, et autres voies d’investigation parlementaires, visant à obtenir des explications du gouvernement, principalement sur sa gestion des affaires de santé. Le nouveau député est tout simplement infatigable, au point qu’il commence très sérieusement à exaspérer le ministre de la Santé, le conseiller d’Etat Mauro Poggia. Ce dernier vient pourtant du MCG, parti «allié» avec l’UDC, au sein de ce qu’on appelle depuis l’automne 2013 «la Nouvelle Force», qui constitue près d’un tiers de l’électorat. On aurait pu imaginer que Thomas Bläsi attaque des ministres de gauche ou de l’Entente: non, il s’acharne sur un «allié» MCG. Est-il fou? Que lui prend-il? Quelle étrange mouche tropicale l’a-t-elle piqué?

Motions en rafales

La vérité, c’est que Thomas Bläsi fait simplement son boulot de député. Comme Jean Romain, pendant des années, face au DIP, Bläsi, toujours sur le ton de la plus parfaite courtoisie, toujours en absolue connaissance des dossiers qu’il empoigne, jamais agressif, se contente de relever des faits et de demander des explications. C’est exactement le rôle d’un parlementaire, sa mission face au gouvernement. C’est lui qui a été à l’origine de la demande d’une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Adeline. Lui qui a soulevé le «traitement de faveur» de la division privée des HUG par rapport aux cliniques privées, sujet qui a rendu fou de rage le ministre Poggia. Lui qui a dénoncé le projet de grande pharmacie dans le nouveau bâtiment des lits des HUG. Lui qui vient de déposer une motion concernant les dysfonctionnements au Service de dermatologie des HUG. Et ça n’est pas fini: d’autres motions, concernant le traitement d’autres parties du corps, vont suivre.

Les foudres de Poggia

Pour Mauro Poggia, de quoi perdre patience. On imagine volontiers le conseiller MCG, passant ses nerfs, dans son bureau, en visant avec des fléchettes une cible aux allures de Thomas Bläsi. On se représente volontiers l’intrépide pharmacien, petit-fils de l’aide de camp de Charles de Gaulle, dans le rôle de L’Emmerdeur, magnifiquement incarné naguère par Jacques Brel. On attend la prochaine motion. Et, à couvert, les prochaines foudres de Mauro Poggia.