Walter et Pierre, salutaires emmerdeurs

ÉLECTIONS • En démocratie, tout candidat mérite le respect. Et aucun combat n’est perdu d’avance. Hommage à deux Messieurs qui se battent.

  • Walter Bisol et Pierre Bayenet: deux candidats qui vont se retrouver dans le camp des perdants. DR

    Walter Bisol et Pierre Bayenet: deux candidats qui vont se retrouver dans le camp des perdants. DR

  • Walter Bisol et Pierre Bayenet: deux candidats qui vont se retrouver dans le camp des perdants. DR

    Walter Bisol et Pierre Bayenet: deux candidats qui vont se retrouver dans le camp des perdants. DR

«Certains laissent carrément entendre que la candidature adverse ne serait pas légitime, ce qui relève d’une singulière conception de la démocratie»

Pascal Décaillet

L’un s’appelle Pierre Bayenet, il est à gauche. L’autre s’appelle Walter Bisol, il est à droite. Ces deux hommes ont un point commun: ce dimanche 12 avril, ils vont se retrouver dans le camp des perdants. Pierre Bayenet, soutenu par une partie de la gauche seulement, aura bien de la peine face à Olivier Jornot pour le poste de procureur général. Walter Bisol, candidat de l’UDC à Bernex, a face à lui la machine PDC de l’empire Dal Busco, représentée par Cyril Huguenin, conseiller municipal depuis onze ans. L’enjeu: le poste à l’exécutif de la commune, laissé vacant par Serge Dal Busco justement, devenu conseiller d’Etat.

Vivre la démocratie

Eh bien j’affirme ici que Messieurs Bayenet et Bisol sont des personnages méritants. Parce qu’en se présentant, ils font vivre la démocratie. Dans un cas comme dans l’autre, les similitudes sont troublantes: il y a un «candidat naturel» (Jornot), ou alors un dauphin (Huguenin), et, face à chacun de ces derniers, un empêcheur de (ré)élire en rond. Un emmerdeur. Un candidat, que tous les courtisans de l’autre, le futur élu, le promis, le fiancé du destin, s’échinent à nous dépeindre comme un gêneur. Et c’est cela qui ne va pas, cela qui est scandaleux: la démocratie, c’est le choc des idées, le combat de deux ou plusieurs candidats, ça n’est pas la transmission de robe d’une charge.

Candidatures très majoritaires

Oui, ce qui est insupportable, ça n’est évidemment pas les candidatures très majoritaires d’Olivier Jornot pour le poste de Procureur, ni de Cyril Huguenin pour la charge de conseiller administratif à Bernex. Ces deux personnalités ont parfaitement le droit de se présenter, et d’ailleurs elles seront élues. Ce qui ne va pas, c’est l’esprit d’écurie de leurs écuyers. Certains laissent carrément entendre que la candidature adverse ne serait pas légitime, ce qui relève d’une singulière conception de la démocratie. Et puis, il se trouve, tout à fait par hasard, que Messieurs Bayenet et Bisol, chacun dans son style, ont constitué des challengers particulièrement vifs, précis, intelligents. On partage ou non leurs propos, mais voilà des candidats minoritaires qui, par leur connaissance des sujets et leur sens de l’attaque, ont fait vivre la campagne. Dans le débat du Grand Genève à chaud, dimanche 30 mars, face à Olivier Jornot, Pierre Bayenet s’est montré pugnace et brillant. Une semaine plus tard, face à un Cyril Huguenin soutenu sur place (au plus haut niveau) par le clan PDC de Bernex, Walter Bisol n’était pas en reste, expliquant de façon précise et documentée les raisons de son opposition municipale, notamment sur Lully.

Système bafoué

La leçon de tout cela, c’est qu’il faut laisser vivre la démocratie. Un candidat en vaut un autre, tous doivent avoir les mêmes chances. Ensuite, que s’affirment le talent et la fougue, le courage et la ruse, peut-être même la rouerie, mais que le peuple puisse juger. Face à cette réalité, ceux qui plaident pour des élections tacites, sous prétexte de combat perdu d’avance, bafouent l’essence même de notre système. Qui implique une mise en compétition. Une pluralité d’idées. Une polyphonie de voix. Rien de plus respectable qu’un vaincu, un beau dimanche, s’il a fait vivre le combat, et porté haut ses idées. Pour Messieurs Bayenet et Bisol, ce fut le cas.