Le peuple doit rester souverain

VOTATIONS • Plaidoyer pour les droits populaires suisses. Ne surtout pas les réduire, comme le voudraient quelques clercs jaloux. Au contraire: les faire évoluer vers un élargissement ! Vive le suffrage universel, clef de voûte de notre système.

  • En Suisse, le citoyen est roi. GETTY IMAGES/NULLPLUS

    En Suisse, le citoyen est roi. GETTY IMAGES/NULLPLUS

En Suisse, le peuple est souverain. Que signifie cela? Une dictature du peuple, aux dépens des parlementaires? Absolument pas! La souveraineté, ça n’est pas la tyrannie. Mais simplement, le stade ultime de décision, lorsqu’on le sollicite. Cela se fait quatre fois par an, dans des votations fédérales. Avec, chaque fois, trois ou quatre objets. Donc, par an, douze à seize. Alors que, sur la même période, les Chambres fédérales prennent des centaines de décisions, dont l’immense majorité n’est pas contestée. Il ne s’agit donc pas d’écraser le Parlement, mais d’intervenir, sur quelques cas, en dernier recours.

Légitimité

D’abord, qu’est-ce que «le peuple»? Il ne s’agit pas de l’ensemble de la population! Les gens de moins de 18 ans, ainsi que les étrangers (au niveau fédéral), n’ont pas le droit de vote. Ils ne font pas partie du corps électoral. Lorsqu’on parle du «peuple», au niveau institutionnel, on fait allusion, en Suisse, aux quelque cinq millions de personnes qui votent, non aux huit millions d’habitants. Pour ma part, je préfère dire «corps électoral» que «peuple» : c’est moins romantique, mais plus précis.

Bien entendu, ces cinq millions ne votent pas tous, mais même avec une participation de 40%, on arrive à deux millions de personnes qui participent à une décision sur le destin du pays. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi j’estime que deux millions, bien informés, adultes, vaccinés, qui votent en conscience, c’est bien meilleur, comme socle de légitimité, que les 246 de l’Assemblée fédérale.

Lèse-majesté

Alors, quoi, suis-je antiparlementaire? Pour moi, les élus dans les Parlements sont là pour fabriquer des lois, puis les voter. Ils sont là pour cela, ni plus, ni moins. En aucun cas, ils n’ont à s’arroger le monopole du débat politique, qui appartient à tous. En aucun cas, ils n’ont à constituer une caste, consanguine, tutoyeuse, élitaire, coupée des citoyens. C’est pourtant, hélas, ce qui arrive trop souvent. Regardez avec quel mépris, quelle arrogance, nombre d’élus considèrent les initiatives et les référendums, qui sont pourtant la sève, le sang, le cœur battant de notre démocratie directe. On voit bien que ces textes, surtout les initiatives, les exaspèrent. Vous pensez: des comités de citoyennes et citoyens ont eu l’incroyable culot de proposer des modifications constitutionnelles. Sur des sujets auxquels, justement, eux les parlementaires n’avaient pas pensé agir. D’en bas, le peuple s’est permis de leur faire concurrence: lèse-majesté!

Elargir les droits populaires

En Suisse, non seulement il ne faut pas réduire les droits populaires, comme le propose de plus en plus la cléricature des profs de droit, alliée à la caste des élus, mais au contraire il faut les élargir. Dans les décennies, les siècles qui nous attendent, le temps des Diètes et des diligences étant décidément révolu, de nouvelles formules de participation massive des citoyens sont à inventer. Dès aujourd’hui, mettons-nous au travail.