Année noire sur les routes: «Ça n’augure rien de bon!»

  • Les chiffres des décès sur la route s’affolent: treize morts depuis janvier.
  • La police tire la sonnette d’alarme et rappelle les bons gestes à adopter.
  • Interview du major Patrick Pulh, chef de la police routière, et de son adjoint, le capitaine Christophe Cergneux.

  • Le major Patrick Pulh et le capitaine Christophe Cergneux. POLICE ROUTIèRE

    Le major Patrick Pulh et le capitaine Christophe Cergneux. POLICE ROUTIèRE

«L’inattention reste en tête des causes d’accident»

Major Patrick Pulh, chef de la police routière

Les chiffres donnent froid dans le dos. Au 15 novembre, treize personnes avaient perdu la vie dans des accidents de la circulation à Genève. Des statistiques en forte hausse par rapport aux années précédentes à la même période (lire ci-dessous). Décryptage et mises en garde avec le major Patrick Pulh, chef de la police routière et le capitaine Christophe Cergneux, capitaine suppléant chef de la police routière. Tous deux préoccupés par cette hausse des accidents mortels.

GHI: Cinq personnes tuées sur les routes genevoises en 2018, 10 en 2019, 11 en 2020 et déjà 13 cette année, alors qu’elle n’est pas terminée. Votre réaction?
Patrick Pulh (P.P.):
C’est une série dramatique, nous sommes très préoccupés. Les chiffres des décès sur la route se sont envolés en seconde partie de l’année: depuis le mois d’août, nous déplorons sept accidents mortels. Et ça n’augure rien de bon puisque les mois les plus accidentogènes sont toujours les trois derniers de l’année.

– Mais quel est le problème?
P. P.:
On a beau faire des campagnes, le vrai problème, c’est le manque de conscience du chauffeur dans ce qu’il est en train de faire. Une voiture pèse plus d’une tonne, les gens l’oublient et perdent de vue le danger. Pour le leur rappeler, à l’occasion de nos opérations de sécurité routière, nous ciblons tout ce qui rend les automobilistes distraits: le téléphone au volant par exemple.

– Avez-vous constaté un effet «relâchement» après le confinement?
P. P.:
En partie. Il faut rappeler qu’avec le confinement et le télétravail, le trafic automobile a fortement baissé pendant la pandémie. Alors que les rues étaient vides, de nombreux conducteurs ont baissé leur garde. Maintenant que le trafic a repris, il s’agit de redoubler de vigilance.

– C’est à dire?
P. P.:
La route est un peu le dernier espace de liberté individuel. Conduire révèle le caractère des uns et des autres, mais aussi leurs travers, leurs envies. Et puis, on conduit toujours avec nos émotions, qu’on soit heureux, triste ou pensif, ce qui devrait nous imposer une plus grande attention.
Christophe Cergneux (C.C.):
De nombreuses personnes changent d’attitude lorsqu’elles sont au volant. D’ailleurs, on sait que la conduite peut exacerber les comportements des usagers.

– Les comportements des conducteurs, justement, sont-ils plus dangereux?
P. P.:
Aujourd’hui, les dangers sur la route sont complètement banalisés. L’inattention reste en tête des causes d’accident, c’est notamment le cas chez des personnes qui travaillent, qui lisent ou qui utilisent leur smartphone au volant. On banalise notre activité quand on conduit, c’est ça le vrai danger. C’est d’autant plus vrai en cas de fatigue ou de stress, ce qui altère notre capacité de discernement.

– Concrètement, que faites-vous pour lutter contre cette hausse inquiétante des accidents mortels?
C. C.:
Nous menons des actions sur tout le territoire du canton, notamment des dépistages d’alcoolémie et de drogues ainsi que des contrôles de vitesse. En plus du volet répressif, nous travaillons aussi régulièrement en lien avec les campagnes du Bureau de prévention des accidents (BPA). Actuellement, nous axons nos opérations sur la visibilité et l’état du véhicule, saison oblige.

– Allez-vous serrer la vis en cette fin d’année?
C. C.:
Dès les fêtes de fin d’année, nous allons à nouveau nous concentrer davantage sur l’état des conducteurs, notamment par des contrôles à l’aide d’éthylotests et de testeur de drogues.

Motards et scootéristes plus vulnérables

Sur les treize personnes décédées depuis le début de l’année, six sont motards ou scootéristes. Pourquoi une telle proportion? La réponse du major Patrick Puhl, chef de la police routière: «En deux-roues, qu’il soit fautif ou victime, le conducteur devient très vulnérable. Cet usager n’est pas protégé par une quelconque carrosserie: une simple chute peut avoir de lourdes conséquences. Il suffit d’observer le lourd tribut payé par cette catégorie.

S’agissant des fautifs, le problème est notamment l’inconscience face au danger, par exemple avec des vitesses inadaptées. Quoi qu’il arrive, on doit pouvoir contrôler en tout temps son allure en fonction des conditions de la route. Ce n’est pas parce qu’un panneau vous indique que vous pouvez rouler à 80 km/h que vous pourrez prendre le virage devant vous à cette vitesse. C’est du bon sens.»