Ces Romands séduits par «l’Instagram du porno»

Très populaire, la plateforme OnlyFans permet de monnayer photos et vidéos de charme en ligne. Rencontre avec deux femmes et un homme qui ont décidé de franchir le pas. Objectif: arrondir leurs fins de mois, s’exhiber sans contrainte, simple jeu ou même défendre une cause.

  • Océane considère son compte OnlyFans comme un «Instagram osé». DR

  • Adam entend défendre la cause LGBT. DR

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Une tenue suggestive et une pause lascive. Dans les méandres de la plateforme OnlyFans, ils sont des milliers à proposer du contenu érotique ou pornographique en échange d’un abonnement payant. Essentiellement des femmes mais aussi des hommes. Tous visent le même objectif: élargir leur communauté de fans. Ces derniers versent mensuellement entre 5 et 50 dollars par mois pour accéder à des photos, des vidéos ou des sessions de webcam. Un concept simple, mais diablement efficace. Profitant de la solitude et de la frustration engendrées par les divers confinements, le site compte désormais plus de 150 millions d’utilisateurs à travers le monde.

C’est justement en plein cœur de la pandémie, il y a deux ans, qu’Océane, Genevoise de 26 ans (@cheyoceane) a plongé dans cet univers. «J’ai toujours été attirée par les photos de charme. Ado, j’étais fan de Playboy. Je trouve ça beau le corps d’une femme.» Seulement voilà, à l’époque, seules posent des filles filiformes… «Je pesais 100 kilos et pensais que ce n’était pas fait pour moi.» Après avoir perdu du poids, elle décide de se lancer, d’abord sur MYM (une autre plateforme, francophone, créée en 2019 qui compte plus de 8 millions d’abonnés) puis sur OnlyFans. «J’ai essayé une ou deux photos sexy et ça a marché!» raconte-t-elle.

Confiance en soi

Océane part à la pêche aux abonnés via TikTok (où elle en compte 34’000) et Instagram (13’000). Quant à sonnombre de «fans», elle préfère rester discrète, affirmant simplement se faire jusqu’à deux voire trois fois le salaire minimum, soit autour de 10’000 francs par mois. «Ça demande du travail», assure celle qui poste une à deux photos par jour. En plus de son job dans la restauration.

Même s’il faut supporter les insultes et les menaces, la jeune femme est convaincue des vertus quasi thérapeutiques de cette activité. «Ça n’a rien de dégradant. Au contraire! C’est valorisant. Me dire que des gens paient pour me voir en sous-vêtements m’a donné confiance en moi!» D’autant qu’elle ne fait pas dans le porno mais plutôt dans l’érotisme et la sensualité. «Mon compte est un Instagram osé. Je n’enlève jamais le bas, c’est ma limite», précise-t-elle. Par ailleurs, elle ne rencontre pas ses fans.

Nymphéa Swissgirl (@nymphea.swissgirl) fait preuve de la même discipline. Cette polygraphe de profession qui vit sur la Riviera vaudoise refuse également tout contact physique avec ses membres: «On me le demande souvent, mais cela ne fait pas partie de mon délire. Pour moi, le sexe doit rester un moment de plaisir où le respect prédomine et non une prestation tarifée. Etre présente sur OnlyFans, c’est d’abord un hobby libertin. Je ne me mets aucune pression et je ne m’en cache pas. Ma famille et mes amis savent que j’ai un profil.» Celle qui confie volontiers être célibataire utilise les 1000 francs que lui rapporte son activité pour «se faire des petits week-ends à l’étranger».

En tenue d’Adam

De son côté, Adam (@adamjoneslive) souhaite reverser l’argent récolté grâce à son compte à des associations LGBT. «Tout ceci fait partie de mon parcours personnel, à la fois par rapport à mon image mais aussi à mon militantisme en faveur des droits LGBT.»

A 42 ans, ce Genevois, qui travaille dans la haute horlogerie, assume totalement ses formes. «Je n’ai pas un physique standard. Mon but est de montrer qu’on peut s’accepter tel que l’on est mais aussi d’apporter de la diversité dans le monde stéréotypé de la pornographie.»

S’il n’est pas très prolixe sur OnlyFans, son compte lui a ouvert des portes. C’est ainsi que le quadragénaire a tourné dans des films pour adultes en France, en Grande-Bretagne et en Espagne pour des productions américaines. «Je veux briser le tabou autour de l’homosexualité et de la sexualité», clame-t-il.

Autant de motivations très variées allant de l’amateurisme amusé à l’appât du gain en passant par la défense d’une cause... De quoi donner des profils très différents!

Gare aux photos et vidéos détournées

Interrogé sur la variété des profils sur OnlyFans, Olivier Glassey, sociologue et spécialiste des usages du numérique à l’Université de Lausanne commente: «Pour attirer les fans, les réseaux sociaux traditionnels comme TikTok et Instagram servent souvent de tremplins. Certains cherchent à acquérir une notoriété pour monétiser au mieux leur contenu alors que d’autres y voient une forme de jeu.» Et le sociologue de mettre en garde: «Attention cependant car les espoirs peuvent vite se transformer en déception. Il peut arriver que certaines photos ou vidéos soient détournées et se retrouvent ensuite sur des sites purement pornographiques. Sans oublier que sa propre communauté d’abonnés peut aussi mettre une certaine pression sur les femmes en leur demandant régulièrement du contenu et parfois du contenu vraiment osé. Au final, quand on sait que le site ponctionne 20% de tous les revenus générés, on peut se demander si le jeu en vaut la chandelle.»