L'homme blanc cisgenre a-t-il encore sa place chez les Vert.e.s? C'est la question que posent en creux les événements de ces dernières semaines au sein du parti écologiste genevois. Parmi eux: la démission du conseiller municipal Yves Herren. Mais aussi l'adoption, mardi, de nouveaux statuts.
Pour comprendre, il faut se pencher sur l'évolution du parti ces dernières années. Au-delà de sa mission de base, soit la lutte en faveur du climat et d'une société plus égalitaire et solidaire, les Vert.e.s ont peu à peu placé le combat féministe mais aussi la défense des minorités LGBTIQ* comme thèmes phares. Au point d'envisager de faire de l'intersectionnalité un thème de campagne pour 2023. Ce concept sociologique vise à démontrer que la domination est plurielle et à se pencher sur l’impact des discriminations liées au genre, à la race ou encore à l’orientation sexuelle. De quoi animer les débats au sein du parti. Mais aussi de quoi influencer jusqu'aux nouveaux statuts.
Réunis mardi en assemblée générale, les Vert.e.s ont ainsi décidé de changer de nom, d'introduire le langage épicène mais aussi de mettre en place l'alternance des différents genres dans la prise de parole. Une pratique en cours chez les jeunes Verts suisses qui, d'ores et déjà, refusent que deux hommes cisgenres ne prennent la parole l'un après l'autre et ce afin d'éviter qu'ils n'aient le monopole. Autre point ayant fait débat: l'ordre sur la liste pour les élections au Grand Conseil, la nouvelle règle visant à privilégier les femmes. Si l'intention peut paraître louable au premier abord, cette lame de fond bouscule les hommes cisgenres du parti. A l'image du phénomène qui touche les hommes socialistes à Zurich, «victimes» de la vague féminine comme l'a démontré la Neue Zürcher Zeitung dans un article paru le week-end dernier.
Retour à Genève, chez les Vert.e.s. Ils sont nombreux à s'interroger sur les conséquences de cette montée en puissance des thèmes féministes et de l'intersectionnalité. Un malaise qui gagne essentiellement les hommes du parti. «Sous prétexte qu'on est un homme blanc cisgenre, on n'a quasiment plus droit à la parole», souffle l'un d'eux. Un sentiment doublé par une crainte de se faire taper sur les doigts à la moindre remarque questionnant le nouveau dogme. «C'est simple, il n'y a quasiment plus de débat», ajoute un autre, préférant lui aussi garder l'anonymat.
Démission
C'est dans ce contexte que s'inscrit la démission d'Yves Herren. Le conseiller municipal en Ville de Genève explique dans sa lettre datée du 21 février s'interroger sur «les orientations du parti (...) qui s'éloignent peu à peu de ma vision d'un engagement écologique militant et pragmatique». Evoquant précautionneusement ce qu'il appelle les «combats d'essentialisation», il estime que ceux-ci, «bien qu'importants, prennent une place de plus en plus grande jusqu'à diluer notre ADN écologique». Interrogé sur ce départ, Yves Herren donne l'exemple de la carte de réduction de 20% en faveur des femmes pour entrer dans les institutions culturelles et sportives de la Ville. «On s'attache aux symboles et non aux véritables inégalités dans l'accès à la culture. De plus, on ne s'interroge ni sur la constitutionnalité d'une telle carte, ni sur ses conséquences financières.» En somme: le symbole au détriment du pragmatisme.
S'ils ne sont pas prêts à claquer la porte, d'autres Verts n'en pensent pas moins. Et craignent que leur parti «se perde» dans des combats de niche au détriment de sa mission de base: l'écologie. Interrogés sur ce point, plusieurs caciques du parti se veulent confiants. «L'écologie et l'humanisme restent nos piliers», commente l'un d'eux. Affaire à suivre donc.