CROQUER LA POMME

L’Ecole genevoise est un champ de ruines. Tout est à reconstruire. D’innombrables profs, pourtant, font admirablement leur boulot, bossent, adorent leur matière, la transmission, ont une haute idée de leur mission, déploient des efforts d’imagination pour faire passer leurs branches, parfois ingrates. Les élèves, eux, ne sont absolument pas plus sots que les générations les ayant précédés. Les parents, certes parfois insupportables dans leur comportement. Mais enfin, le problème n’est pas là. Il est ailleurs.

Le problème, ce ne sont pas les intervenants. Ni ceux qui transmettent, ni ceux qui reçoivent la connaissance. Il reste, partout, d’excellents élèves, certains travaux de Matu sont de petits chefs-d’œuvre. Non, il faut chercher ailleurs. Dans la structure du Département. Dans l’encadrement, devenu une machine étouffante.

Dans l’absence de vision claire sur les objectifs de transmission. Dans l’obsession du contrôle, qui atteint chez certains apparatchiks des proportions dantesques. Les profs font leur boulot. Les élèves ne demandent que la puissance de séduction née d’une autorité sur la matière, et d’une passion de transmettre. Mais l’Appareil, avec un grand A, à la manière d’une nouvelle de Kafka, paralyse les énergies, au lieu de les galvaniser.

Le défi premier de celui – ou celle – qui reprendra le Département de l’instruction publique, c’est de rendre l’espoir. Faire régner la joie de la connaissance partagée. Leur faire croquer la pomme, à tous. Et si le fruit est défendu, la saveur intellectuelle, la jouissance spirituelle, n’en seront que décuplées.