«Culpabiliser les non-vaccinés serait une erreur»

A l’heure où les autorités ont durci les contraintes, Vanessa Juarez, psychologue à l’Université de Lausanne, rappelle qu’il est préférable d’écouter les non-vaccinés plutôt que de les isoler.

  • Selon Vanessa Juarez les mesures sanitaires suscitent une certaine lassitude au sein de la population. PIXABAY

  • Selon Vanessa Juarez  les mesures sanitaires suscitent une certaine lassitude au sein de la population. DR/PIXABAY

    Vanessa Juarez. DR

– Certaines personnes sont vaccinées, d’autres non. En quoi la pandémie accentue-t-elle les divisions au sein de la population?
Vanessa Juarez:
Le débat autour de la vaccination, qui n’est d’ailleurs pas nouveau, rend visibles différentes manières de percevoir la santé, mais aussi notre rapport aux institutions et à la science. Ces débats génèrent des catégories comme les pro et les anti-vaccins. C’est notamment la manière de les mobiliser qui peut accentuer ces divisions au sein de la population.

– Faut-il culpabiliser les non-vaccinés ou, au contraire, écouter leurs doutes?
– Culpabiliser ne ferait que rompre le dialogue. Il faut plutôt accepter que le vaccin puisse susciter des réactions et essayer de mieux comprendre ce qu’il y a derrière. Opposition et hésitation sont deux choses différentes. Mais de manière générale, il faudrait pouvoir apporter des réponses claires et fondées qui rétablissent la confiance. Elle est fondamentale dans une crise comme celle que nous vivons aujourd’hui.

– L’obligation du pass sanitaire depuis le 13 septembre pour aller au restaurant, au cinéma ou au théâtre est-ce une contrainte efficace?
– Les mesures mises en place par les autorités facilitent les activités sociales pour les vaccinés. Cela peut être une source de motivation. Toutefois, d’autres les décrient car elles seraient, au même titre que la vaccination, une intrusion du pouvoir étatique. Le risque est de voir, au gré des débats, chacun se retrancher dans ses positions.

– Quelles seraient les conséquences sur la population d’un retour, par exemple, à un nouveau semi-confinement?
– Les précédentes vagues ont montré une capacité d’adaptation de la part de la population. Ce qui ne veut pas dire que ça se soit fait sans difficultés. Il ne faut pas oublier que tout cela est venu se greffer à des problèmes déjà existants tels que la précarité. Un retour à des mesures plus restrictives risque d’accentuer ce type de problématique. Et puis, pour revenir au vaccin, il y a le risque que le débat se polarise autour de l’attribution de la responsabilité à ce retour de mesures plus contraignantes. Résultat d’un taux de vaccination trop faible pour certains et vaccin inefficace pour d’autres. Là encore la communication autour des décisions prises et des raisons qui en découlent sera importante.

– Le monde d’après, c’est un écran de fumée ou vous y croyez? A quoi ressemblera-t-il selon vous?
– Une crise, telle que nous la vivons aujourd’hui, nous met face à des défis en tant qu’individus, mais aussi comme société. Il ne s’agit en aucun cas d’en minimiser les impacts mais de considérer que les périodes d’instabilité offrent la possibilité de la réflexion. En ce sens, nous avons vu émerger de nombreux débats autour de nos modes de vie et de consommation. Il est encore un peu tôt pour dire si des changements durables vont se produire, mais des prises de conscience ont lieu.