Après «Merck Serono», à qui le tour?

BRUXELLES • Vous avez aimé l'annonce du départ de Merck Serono et la perte de 1250 emplois à Genève? Vous allez adorer les menaces que fait peser l'Union européenne sur la Suisse et le canton de Genève en particulier.

  • L'annonce du départ de Merck Serono de Genève échauffe les esprits. Celui de Citroën passe, du coup, presque inapreçu.

  • Jacques Jeannerat, directeur général de la chambre de commerce.

La Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG) s'inquiète des menaces proférées par Bruxelles à l'encontre des «cadeaux fiscaux» que ferait la Suisse aux sociétés auxiliaires et aux holdings. De quoi s'agit-il? A Genève, une société locale est imposée à 24% sur ses bénéfices nets. En revanche, une société auxiliaire, qui oriente ses activités vers l'étranger, et dont les biens achetés ne passent pas par la Confédération, n'est imposée qu'à hauteur de 4,8%.Quant aux holdings, elles profitent d'un statut encore plus privilégié: exonérées de l'impôt sur les bénéfices, elles ne sont soumises qu'à un impôt sur le capital de 0,006%. Bref, pour Bruxelles, ces cadeaux fiscaux seraient trop beaux pour être honnêtes. En d'autres termes, la Suisse se livrerait à une concurrence déloyale. Le reproche n'est pas totalement injustifié. On estime, par exemple, que le géant brésilien Vale, établi dans le canton de Vaud, aurait économisé quelque 3 milliards de francs d'impôts! Le magazine Bilan ajoute que le Conseil d'Etat neuchâtelois reconnaît que ces allégements fiscaux ont conduit des multinationales à gonfler les gains déclarés en Suisse et à les réduire d'autant dans d'autres pays…

Un taux unique d'impôt

Certes, les Genevois répondront que ces abus ne concernent que les autres cantons suisses, mais pas celui du bout du lac. Il n'empêche, ce serait étonnant que l'Union européenne fasse la distinction. Myriam Nicolazzi, avocate et expert fiscal, a simplement rappelé que le départ de 1000 sociétés à statuts privilégiés du canton de Genève provoquerait une perte de 20'000 emplois directs, sans compter les emplois indirects, depuis l'employée qui nettoie les locaux, jusqu'à l'avocat qui prodigue ses conseils. Alors que faire? Jacques Jeannerat, directeur général de la CCIG, qui coordonnait les «assises de la fiscalité» au début du mois de mai, n'a pas tiré de conclusions. Il a laissé certains interlocuteurs explorer des pistes.Comme celle de suivre l'exemple du canton de Neuchâtel, qui impose toutes les entreprises, suisses comme étrangères, à un taux unique. C'est une excellente parade, dans la mesure où l'Union européenne n'a plus rien à redire. Mais est-ce réalisable ailleurs? Le canton de Vaud a déjà estimé que ce taux unique se solderait, chez lui, par une perte de 300 millions de francs. Le calcul mériterait d'être fait à Genève. De toute façon, comme le raconte un dialoguiste français, «quand les types de 120 kilos parlent, les mecs de 60 kilos les écoutent». La Suisse, avec un peu moins de 8 millions d'habitants, est bien obligée de porter une oreille attentive aux menaces de Bruxelles.

«Quelque 1000 sociétés, dites auxiliaires, et 20'000 emplois sont dans le collimateur de Bruxelles»