Journalisme d’investigation: triomphe ou manipulation?

ENQUÊTE • L’affaire de fuite de données dite Panama Papers marque-t-elle le triomphe du journalisme d’investigation ou au contraire le sommet de la manipulation? La question se pose, lancinante, après ces révélations diffusées à la manière d’un gigantesque mégaphone.
Des médias, triés sur le volet aux quatre coins du monde, distillent de concert une information qui leur a été fournie par une gorge profonde dont on ignore absolument tout des motivations et des objectifs. Si ce n’est que ceux-ci semblent d’abord orientés vers le «méchant» Poutine. La méthode intrigue d’autant plus que la tendance est plutôt au bâillonnement de la presse. Il n’est que de regarder vers Bruxelles où se rissole un projet de directive sur le secret des affaires. En substance: quiconque manifestera trop de curiosité et d’empathie communicatrice pourra être puni!

Journalistes, organisations de consommateurs et de salariés sont sur le qui-vive. Leur liberté d’enquêter sans entraves, acheter avec discernement et de changer d’emploi est en jeu. Parce que des multinationales cherchent à consolider leurs positions dominantes. Si la loi européenne passe la rampe, la Suisse devra sans doute durcir sa propre pratique, déjà relativement sévère en la matière. En témoigne la plainte pour concurrence déloyale qu’une grande banque suisse a déposée contre l’animateur d’un journal en ligne zurichois spécialisé dans la divulgation de cas de mal gouvernance financière.

L’affaire constitue-t-elle un pur acte d’intimidation en vue d’empêcher d’autres révélations embarrassantes? Un jugement sanctionnant le journaliste ne résoudrait en aucune manière les problèmes intrinsèques de l’institut bancaire concerné, dont le cours de l’action s’est effondré depuis le début de l’année. On est dans un autre cas de figure que les Panama Papers.