La formation des enseignants disjoncte

POLEMIQUE- Près d’un étudiant sur deux n’obtient pas de stage en enseignement secondaire. En cause, un système incohérent et une administration opaque

  • De nombreux étudiants vont se retrouver sur le carreau. ISTOCK/skynesher

    De nombreux étudiants vont se retrouver sur le carreau. ISTOCK/skynesher

«C’est un système fou qui rend fou» 

Jean-Michel Bugnion, député au Grand Conseil.

Mauvais carnet. L’Institut universitaire de formation des enseignants (IUFE) est dans le collimateur du Département de l’instruction publique (DIP). En effet, Anne Emery-Torracinta, conseillère d’Etat chargée de l’éducation, souhaite réformer cette formation fortement critiquée et pour cause. Les recours explosent cette année. Sur 246 étudiants inscrits en première année, 112 ne pourront pas passer en deuxième année faute de place de stage. Pour les étudiants qui se retrouvent sur le carreau, la pilule est difficile à avaler. Il faut dire que depuis sa création, il y a six ans, l’IUFE est la cible de nombreuses critiques. Manque de communication interne, fautes graves liées à la confidentialité des dossiers, absences à répétition des collaborateurs, lobbying, manque de transparence etc. Cette fois la coupe est pleine. 

Critères d’évaluations obscurs

«Tout le monde sait que l’Institut a mauvaise réputation. On s’y engage quand même sans la garantie de pouvoir terminer notre formation, ce qui est déjà anormal en soi», s’indigne Sara*, une ancienne étudiante. En effet, pour pouvoir passer en deuxième année, il faut obtenir un stage à 50%. Or, les places sont rares. Pour déterminer quels étudiants pourront ou non passer cette étape, un classement est établi sur la base d’une évaluation de fin d’année. Et c’est là que le bât blesse. «On n’a jamais eu connaissance de la grille d’évaluation et les critères de classement manquent de transparence», s’agace Jean*, un étudiant en attente de stage à l’IUFE. Mais ce n’est pas tout. C’est aussi l’ensemble du fonctionnement administratif de l’Institut qui disjoncte.

Un système fou

«Il existe un problème de désorganisation incroyable. C’est le système fou qui rend fou», constate de son côté Jean-Michel Bugnion, député au Grand Conseil et membre de la commission parlementaire sur l’enseignement. Noyée sous la critique, l’IUFE reconnaît ses torts. «L’institut souffre d’un manque de stabilité lié au fait qu’aucune rentrée ne ressemble à la précédente et au manque de présence de certains collaborateurs. Mon objectif est à présent, de faire évoluer cela», assure Walter Loosli, directeur adjoind de l’IUFE. Il en résulte un véritable problème de communication interne. «Personne ne nous a transmis le nombre de places de stage disponibles dans notre matière. Le numeros clausus est donc caché», souligne Jean. 

Mobbying

Pour la Conférence universitaire des associations d’étudiants (CUAE), le problème est grave. «En plus de ce manque d’encadrement des élèves, de nombreux cas de mobbying nous ont été rapportés. Les élèves ont peur de se retrouver en conflit avec l’administration et de se faire saquer. C’est pour cela que les démarches sont anonymes.» Des faits redondants à travers les différents témoignages. «Il y a beaucoup de copinage dans ce milieu. Le moindre faux pas et on peut se mettre tout le monde à dos», déplore Clara*, après avoir fini sa première année de formation à l’IUFE.  Alerté par tous ces dysfonctionnements, Benoît Genecand, député PLR au Grand Conseil a envoyé une question écrite afin d’interpeller le Conseil d’Etat. Quant au syndicat étudiant, il a d’ores et déjà annoncé son intention de se mobiliser, dès la rentrée universitaire en septembre.

 

*Prénom fictif