Ils ont réussi l’exploit du siècle

TENNIS • La Coupe Davis constitue l’une des plus belles conquêtes du sport suisse. De là à imaginer Federer et Wawrinka entamer la défense du trophée, en mars 2015 à Liège...

  • L’équipe suisse accueillie par une foule en liesse, lundi 24 novembre, à Ouchy (VD). VALDEMAR VERISSIMO

    L’équipe suisse accueillie par une foule en liesse, lundi 24 novembre, à Ouchy (VD). VALDEMAR VERISSIMO

Toute cette allégresse, de Lille à Ouchy, n’est pas près de s’effacer

Nathanaël Meunier

Celle-là, comme disait l’autre, personne ne pourra nous la piquer. La Coupe Davis est rouge à croix blanche le temps d’une année; mais c’est pour l’éternité que les noms de Roger Federer, Stan Wawrinka, Marco Chiudinelli et Michael Lammer, sans oublier celui du capitaine Severin Lüthi, sont gravés sur le gros socle d’argent. Et toute cette allégresse provoquée, de Lille à Ouchy en passant par tant de poitrines, n’est pas près de s’effacer.

Une première

La Suisse est «championne du monde» en quelque chose et, si l’on excepte le hornuss, il s’agit d’une succulente première dans une épreuve collective. Les deux Coupes de l’America remportées par les boys d’Ernesto Bertarelli en 2003 et 2007? Il n’y avait pas un Confédéré à bord. Le titre planétaire décroché en 2009 au Nigeria par la sélection M17 en football? On n’était pas dans un monde d’adultes.

Alors oui, ce fameux Saladier constitue le clou du siècle, rendu encore plus délicieusement piquant par les doutes qui, en amont, ont tenaillé la nation, suspendue à un dos. Mais tout s’est dénoué comme dans un rêve. Stan Wawrinka, supersonique et aussi super remonté contre ses «amis» français, a marché sur l’eau, enfin la terre. Roger Federer, croisement du Martien et du Samouraï, fut impitoyable, aérien, spatial au point de décrocher la Lune.

Bonheur

Les images sont indélébiles, les émotions aussi. L’euphorie de l’instant cédera bientôt place à une joie plus rentrée, plus sereine – n’est-ce pas là ce qu’on appelle le bonheur? Après, c’est toujours la même question pour qui descend du chimpanzé: qu’est-ce qu’on en fait, de ce bonheur? Ben on le vit, banane!

Avec ou sans Federer

Excellente réponse mais quand même, on ne peut s’empêcher, déjà, de songer à la suite. Du 6 au 8 mars prochain, à Liège, l’équipe de Suisse entamera la défense de sa Coupe Davis. Saint Rodgeur repartira-t-il pour un tour? «Vous êtes Belge?», a-t-il rétorqué, dans une joyeuse esquive, à celui qui osa le premier dégainer la question. Oui, le monsieur était Belge, mais il n’était naturellement pas le seul à se demander...

A partir de là, soyons raisonnables. Federer, qui aura un an de plus que le Christ en 2015, ne devrait pas rempiler. Le temps lui est compté et le bougre, truffé de records et de lauriers, aimerait bien encore amasser quelques couronnes, disons, plus personnelles. Le Bâlois n’a d’ailleurs pas caché que ce Saladier, c’était plutôt pour les autres que pour lui. Il l’a dit très élégamment, mais il l’a dit.

Taille patron

Federer a aussi dit à quel point ce trophée, la Suisse le devait à Wawrinka. Stanislas le besogneux, le taiseux, celui qui s’est construit dans l’ombre du monument, est désormais «Stan The Man». Taille patron, No4 mondial, il termine l’année comme il l’avait commencée: en apothéose. Cette Davis, il l’a rappelé, c’était le rêve de sa vie. Il doit donc s’en dessiner de nouveaux.

Le Vaudois a toujours tout donné pour cette compétition, ramant sec et longtemps d’espoirs déçus en luttes de sous-préfecture. Maintenant qu’il a touché le Graal, et surtout si son aîné jette l’éponge, on ne voit pas bien ce qui pourrait le pousser à continuer. Car il apparaît compliqué, même pour «Stanimal», de gagner la Davis tout seul - sans vouloir manquer de respect aux autres membres de l’équipe. Alors, stop ou encore?

Quelque chose d’unique

«C’est une bonne question, mais ce n’est pas le bon moment pour la poser.» Donc on attend. Et à Liège, on verra bien mais on en doute, si la Suisse peut fantasmer sur une deuxième timbale. Si non, on ne pourra que respecter le choix somme toute logique des héros. Et se dire que cette Coupe Davis, à jamais dans nos têtes, nos bides et nos cœurs, c’était décidément quelque chose d’unique.