Saint-Etienne, la nostalgie du bonheur

FOOT • Les Verts ont remporté, samedi 20 avril, leur premier trophée depuis 1981. Primo, cela ne nous rajeunit pas. Deuzio, ça nous fait penser que parfois, il est bon d'attendre.

  • Trente ans après l'ASSE renaît de ses cendres.

    Trente ans après l'ASSE renaît de ses cendres.

La nostalgie, et on le tient de Robert lui-même, c'est un regret mélancolique nourri par telle chose révolue qu'on n'a d'ailleurs peut-être jamais connue. Et voilà qui nous mène tout droit à l'Association Sportive de Saint-Etienne (ASSE), phénix vert comme l'espoir qui, plus de trente ans après, renaît de ses cendres pour attiser la flamme de quatre générations de supporters – ils étaient plus de 40'000 de 7 à 77 ans, dimanche, à fêter dans les rues la victoire de la veille en Coupe de la Ligue. Trophée mineur dans la gamme des lauriers footballistiques, certes; mais récompense majeure à l'échelle des dégringolades passées.

Période dorée

Les Verts n'avaient plus jamais rien gagné – à part la commisération générale... – depuis leur dixième titre de champion de France en 1981. C'était avec Michel Platini à la baguette, mèche au vent, short court et idées longues, représentant ultime d'une période dorée où le stade Geoffroy-Guichard, rebaptisé Le Chaudron, consumait l'adversaire à petit feu sacré. Une ville, une région, tout un pays à l'unisson derrière une idée du jeu et le respect des êtres humains qui le pratiquent.

La chute…

Après le beau temps, la pluie, à Saint-Etienne comme ailleurs. Une sombre affaire de caisse noire, parce qu'il s'agit quand même de football, et les années grises qui déteignent sur la mine des gens, et la courbe du chômage inversement proportionnelle à la culbute du club. Après avoir défilé sur les Champs-Elysées malgré la défaite de 76 contre le Bayern et les poteaux carrés, après avoir rassemblé la France dans une idée commune du bonheur éperdu et de l'épopée sublime, l'ASSE allait connaître la chute. La dèche, oui; mais l'oubli, jamais.Sur le légendaire maillot, il n'y avait plus marqué Manufrance ou KB Jardin – soupir. Les 45 tours de Jacques Bulostin alias Monty («Qui c'est les plus forts? Evidemment c'est les Verts!») finissaient leur course en fond de brocante – tristesse. Mais en dépit des douches froides, les cœurs stéphanois ont continué à battre pour les Verts. Parce que les papas ont raconté Johnny Rep et Dominique Rocheteau à leurs enfants. Parce que la nostalgie, sentiment assez rarement constaté chez les investisseurs tchétchéno-qataris du moment, a fait office de ciment au fil du temps.

Retour en grâce

«La nostalgie, c'est le désir d'on ne sait quoi...», écrivait Antoine de Saint-Exupéry (Terre des hommes, 1938). Sauf que des fois, on sait. Tous les bonshommes verts qui, de Saint-Denis à Saint-Etienne, ont célébré le retour en grâce de leurs favoris, eux, savaient parfaitement. Ils souffraient d'une mélancolie du succès, d'un manque de victoire, cette essence du jeu. Ils traversaient cet interminable désert que la plupart des amateurs de foot connaissent si bien, notamment s'ils supportent Servette. Ils vivaient la nostalgie, l'un des sentiments les plus forts et les plus joyeux qui soient - surtout quand il s'arrête.