L’aide aux indépendants a explosé

La crise a montré que les petits entrepreneurs sont les grands oubliés du système de protection sociale. Un grand nombre de chauffeurs de taxi, de coiffeurs, de travailleurs du sexe... a dû recourir à l’aide de l’Hospice général. Bilan et perspectives avec le conseiller d’Etat chargé de la Cohésion sociale, Thierry Apothéloz.

  • Selon les chiffres révélés par Thierry Apothéloz, les chauffeurs de taxi indépendants  ont été nombreux à déposer un dossier à l’Hospice général. MP

    Selon les chiffres révélés par Thierry Apothéloz, les chauffeurs de taxi indépendants ont été nombreux à déposer un dossier à l’Hospice général. MP

«On a investi des millions pour soutenir les entreprises mais peu pour les entrepreneurs»

Thierry Apothéloz, conseiller d’Etat

Plus de 500 nouveaux dossiers d’indépendants en trois mois. Tel est le triste record enregistré par l’Hospice général au printemps 2020. En plein cœur de la crise sanitaire, ces petits entrepreneurs ont subi de plein fouet ses effets sur leur activité. Résultat, comme le révèle le bilan dressé par le Département de la Cohésion sociale, ils sont des centaines de chauffeurs de taxi, de coiffeurs ou de travailleuses du sexe à avoir eu recours à l’aide sociale. Les explications du conseiller d’Etat Thierry Apothéloz.

GHI: Quel a été le problème pour les indépendants pendant la crise?
Thierry Apothéloz:
La crise nous a rappelé que les indépendants sont les grands oubliés de notre système de protection sociale. Tout est prévu pour compenser des pertes de salaire, soit en cas d’invalidité, soit de retraite ou de chômage. Mais rien n’est prévu pour les indépendants. Résultat: on a, à juste titre, investi des millions pour soutenir les entreprises mais peu pour les entrepreneurs.

– On parle de qui au juste?
De toutes celles et ceux qui ne rentrent pas dans le statut de salarié, celles et ceux qui supportent seul le risque de leur activité. Soit les chauffeurs de taxis indépendants, les coiffeurs, les coachs, les artistes, les brocanteurs...

– Et aucune aide n’est prévue?
Ils ont droit à une aide via l’Hospice général. Normalement de trois mois maximum. Grâce aux mesures adoptées par le Conseil d’Etat, ces aides ont pu être prolongées de trois mois en trois mois et désormais pour tout 2021. Il s’agissait de les aider à passer ce cap en contribuant à payer leurs charges qui restent fixes alors qu’ils ont perdu tout ou partie de leurs revenus.

– Combien sont-ils à avoir bénéficié de cette aide?
Rien qu’au mois d’avril 2020, l’Hospice général a enregistré 374 nouvelles demandes d’indépendants. Une hausse qui s’inscrit dans l’augmentation de 9% du nombre de bénéficiaires en 2020. A titre de comparaison, durant un mois «normal», on compte une dizaine de nouveaux dossiers d’indépendants. Il y a eu trois mois très compliqués: avec plus de 100 nouveaux dossiers en mai et 30 autres en juin. Le stock de dossiers a ensuite diminué pendant l’été. Quant à la durée moyenne de la prise en charge, elle a été de 4,2 mois. A fin avril 2021, nous comptons 326 dossiers encore actifs. 107 nouveaux dossiers depuis le début de l’année.

– Quelles ont été les professions qui ont fait appel à l’Hospice?
Les chauffeurs de taxi sont majoritaires. Quant aux travailleuses du sexe, à fin mars 2021, elles représentaient 10% des personnes aidées. Pour plus de la moitié des bénéficiaires, il s’agissait de personnes seules. 30% étaient des couples avec enfants.

– Et maintenant?
On doit faire évoluer ce statut. Certes, les indépendants permettent d’avoir une économie dynamique et réactive mais en cas de grand trou d’air comme une pandémie, ce sont les personnes les moins bien protégées. L’Etat a le devoir de protéger les plus vulnérables.

– Au risque de les entretenir?
Pas du tout. L’objectif de l’Hospice général, c’est de rendre les bénéficiaires autonomes le plus rapidement possible. Dans le cadre de la pandémie, les décisions des autorités les ont empêchés de travailler. Il est logique de les aider!

– De manière plus globale, vous êtes censé travailler à la refonte de la Loi sur l’Insertion et l’Aide Sociale Individuelle (LIASI), ce dossier est au point mort?
Au contraire, on y travaille, bien qu’il soit vrai que la pandémie a modifié le calendrier de cette réforme, afin de nous permettre de prendre en compte les enseignements de la crise sanitaire. Nos partenaires sont actuellement consultés. Je prévois de déposer le projet de loi en novembre.