«Le 1er Août sera végétarien à 90%»

Alfonso Gomez devient maire de la Ville de Genève dès le 1er juin. Interview exclusive. Le Vert veut mettre l’accent sur l’alimentation et la nécessité de réduire notre consommation de viande. L’occasion de se pencher sur la difficulté de conjuguer ses responsabilités d’élu et sa fougue de militant.

  • Pour Alfonso Gomez, l’alimentation devrait réunir et non être sujette à controverse. MP

    Pour Alfonso Gomez, l’alimentation devrait réunir et non être sujette à controverse. MP

Exergue

Signature

Rassurez-vous: il y aura des schubligs et des saucisses de veau! Toutefois, le 1er Août d’Alfonso Gomez, maire de la Ville de Genève à partir du 1er juin, sera tout de même «végétarien à 90%». Pour cause, le conseiller administratif vert a choisi l’urgence climatique, avec un focus sur l’alimentation, comme thème de son année de mairie. Interview exclusive.

GHI: En tant que nouveau maire, vous voulez mettre l’accent sur l’alimentation et proposez un 1er Août végétarien, vous ne craignez pas de choquer? Alfonso Gomez: Ce sera végétarien à 90%. La saucisse de veau sera présente. Cela étant dit, il n’y aura pas que le 1er Août. Pour toutes les manifestations organisées durant l’année, l’idée, c’est qu’il n’y ait pas ou en tout cas peu de viande. Selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat), l’alimentation est l’un des principaux facteurs de production de CO2. Dans ce domaine, tout le monde peut agir! L’objectif n’est pas de heurter mais de montrer qu’on peut passer un bon moment autour d’une table, différemment.

– Mais, la dernière fois que les Verts sont allés sur ce terrain (en imposant, via une charte, aux candidats au Grand Conseil et au Conseil d’Etat de ne pas consommer de viande lors des repas officiels), cela a provoqué un tollé... La première maladresse dans cette affaire a été de ne pas expliquer. En réalité, il y a une prise de conscience. Tout le monde sait aujourd’hui que l’on consomme trop de viande. C’est à nous, élus, d’accompagner ce changement, d’en expliquer les bienfaits tant pour notre santé et celle de la planète. La question de l’alimentation est aujourd’hui sujette à controverses alors que cela devrait être quelque chose qui nous réunit! A l’image des grands banquets républicains.

– Votre côté militant ressort, est-il compatible avec le fait d’être maire? Bien sûr! Quand on est maire, comme conseiller administratif du reste, on se doit de rassembler, tout en défendant ses engagements. Ceux qui font qu’on a été élu. Or, l’urgence climatique est un enjeu majeur!

– Les mots «urgence» et «catastrophes» ne sont pas très porteurs là encore, c’est le militant qui parle plus que l’élu. Non? Je ne pense pas. La situation est objectivement urgente. La température va augmenter. Ce sera extrêmement grave dans les pays du sud mais ce sera aussi difficile chez nous. Dans nos villes, les périodes caniculaires vont s’allonger et les gens qui ont une santé délicate, comme les seniors, vont souffrir. Notre rôle consiste à adapter nos villes. Et à montrer qu’on peut vivre mieux en consommant moins et autrement! Nous avons encore la possibilité d’agir. Cela dit, il est vrai que le militant que je suis toujours s’interroge. Il faudrait changer de manière plus radicale, plus rapide. Or, le temps politique est parfois lent.

– Y a-t-il d’autres thèmes que vous souhaitez mettre en avant cette année? Le 2e axe qui me tient à cœur, ce sont les droits humains. Venant d’une famille qui a connu la dictature en Espagne, je suis très sensible à cette question. C’est sûrement ce qui explique mon engagement professionnel au Comité international de la Croix-Rouge durant 15 ans. Ainsi, cette année, les femmes iraniennes seront les invitées d’honneur du 1er Août. Deux réfugiées liront le pacte fédéral. Elles témoigneront de la répression du peuple d’Iran.

– Que répondez-vous à ceux qui pensent qu’on est bien loin des préoccupations quotidiennes des Genevois? Genève est une terre de protection et d’accueil. C’est dans l’ADN de notre ville. Ainsi est née la Genève moderne, en accueillant les Huguenots chassés de France. Cela constitue une grande fierté pour les Genevoises et les Genevois.

– A propos de fierté, quel est votre sentiment à l’heure de devenir maire? C’est un moment très intense. Un moment unique où l’on a souvent la responsabilité de représenter la Ville de Genève. C’est un honneur. D’abord, parce que j’aime profondément cette ville. Je suis arrivé ici à 14 ans et j’ai été impressionné par la vitalité intellectuelle et sociétale de cette cité, à une période où les combats politiques fleurissaient. La vitalité économique aussi est un atout indéniable. Et, puis, pour moi, en tant qu’Espagnol d’origine, c’est un moment très fort. Même si je me sens totalement genevois!

– Vraiment? Ça change quoi? J’ai toujours été très reconnaissant à la Suisse de nous avoir accueillis ma famille et moi. Pour des raisons familiales, ma sœur est revenue en Suisse il y a plusieurs années. A l’aéroport, ma mère lui a soufflé: «Ne t’inquiète pas, la Suisse s’est toujours bien comportée avec nous.» Aujourd’hui, en quelque sorte, je souhaite modestement rendre la pareille.