André Chavanne: une vie

BIOGRAPHIE • Le livre de Jean-Pierre Gavillet sur André Chavanne vaut absolument le détour. Non seulement il regorge d’anecdotes, mais nous restitue le contexte de plusieurs décennies d’engagement, et de bagarres politiques, au service de l’école genevoise.

  • Un livre dédié à l’une des plus grandes figures de notre Histoire genevoise. DR

    Un livre dédié à l’une des plus grandes figures de notre Histoire genevoise. DR

Enfin, un livre sur André Chavanne! Et pas n’importe lequel. La biographie que lui consacre Jean-Pierre Gavillet, qui fut prof d’Histoire, de français et de latin, d’abord au Cycle d’orientation, puis (pour la dernière branche) au Collège Calvin, est simplement remarquable. L’auteur, qui a connu Chavanne et longtemps servi sous son autorité, connaît à fond les arcanes de l’Instruction publique genevoise, le contexte politique des années Chavanne, et il s’est documenté sur la vie d’un homme que tout le monde croit connaître, tant il était populaire, mais qui regorge de surprises, comme ces deux années passées en Equateur, en 1952-53. Oui, ce livre valait d’être rédigé, tout simplement parce qu’il concerne l’une des plus grandes figures de notre Histoire genevoise, dans l’après-guerre. C’est l’histoire d’un homme, elle épouse le destin de notre canton.

Longévité unique

André Chavanne, né à Paris le 2 juillet 1916 et mort à Genève le 25 septembre 1990, c’est d’abord une longévité unique depuis la guerre: il sera conseiller d’Etat de 1961 à 1985! Six élections consécutives! A l’époque des mandats-kleenex, où l’on prend et puis l’on jette, voilà une installation dans la durée qui interpelle. Combien d’entre nous l’ont connu, croisé dans la rue, dans les bistrots, entamé avec lui une conversation: l’homme était accessible, aimable, avait le verbe facile, improvisait ses discours avec talent, bref c’était un socialiste populaire, bien avant les années caviar. Il passe son baccalauréat en France, en 1933, une licence de mathématiques à Genève en 1936, puis enseigne la physique dans ce qui deviendra l’Ecole d’ingénieurs. Eh oui: André Chavanne était avant tout un scientifique, il s’est même occupé d’énergie nucléaire dans les années 50, il était de la génération du progrès et de la croissance.

Un peu par hasard

Excellent moment du livre de Gavillet, le récit de la première élection de Chavanne au Conseil d’Etat, le 3 décembre 1961: son prédécesseur, la radical Alfred Borel (le père du Cycle d’orientation) avait d’abord été donné comme réélu, puis un recomptage lui avait préféré, pour 47 voix, le libéral François Peyrot, et c’est à la suite de cette nouvelle donne que Chavanne se voyait attribuer, un peu par hasard, un Département de l’Instruction publique (DIP) dont il deviendra, en un quart de siècle, un mythique titulaire. La plus grande part du livre nous raconte la grande aventure du DIP dans les années Chavanne, baby-boom à intégrer, C.O., Collèges et Ecoles de commerce à construire, égalité des chances à mettre en œuvre, monde politique à convaincre, joutes oratoires avec le libéral Jaques Vernet demeurées légendaires, que de chantiers, que d’anecdotes: ça sentait la sueur et ça sentait la République. Genève peut être fière des années Chavanne.

Commande de Charles Beer

Le livre de Jean-Pierre Gavillet était une commande de Charles Beer. Le risque d’hagiographie, ou tout au moins d’ouvrage de convenance, était bien réel: l’auteur l’a magnifiquement déjoué, par un travail méticuleux et un patient brassage de sources. Le résultat est un succès. Au service de l’Histoire de proximité. Et finalement, au service de notre conscience commune d’habitants de ce canton.