Asile: les mauvais perdants

VOTATIONS • Au soir d'une votation, il y a toujours des gagnants et toujours des perdants. Il importe, dans les deux sens, de faire preuve de mesure. La tristesse des vaincus mérite le respect. Inversement, quand on perd, on n'insulte pas la majorité. On ne vient pas proclamer sa «honte d'être Suisse».

  • Les perdants doivent accepter et respecter le verdict des urnes.

    Les perdants doivent accepter et respecter le verdict des urnes.

Près de 80%Ce dimanche 9 juin 2013 demeurera, dans l'Histoire suisse, comme la journée où le peuple aura plébiscité la politique d'asile du Conseil fédéral. Quatre Suisses sur cinq! Tous ceux qui ont vécu cette journée, partisans autant qu'opposants, l'ampleur du oui les a littéralement soufflés. C'est un véritable tsunami venu du fond du peuple pour mettre un peu d'ordre dans l'horrible complexité du dossier de l'asile en Suisse, permettre des procédures plus rapides, traiter la question de façon plus centralisée aussi. On peut s'en féliciter ou le regretter. Mais une chose est sûre: ce verdict des urnes, il faut l'accepter. Le respecter. Le mettre en œuvre. Sinon, à quoi servirait la démocratie?

PEUPLE SOUVERAIN

Il ne faut pas se tromper d'axiome: le peuple n'a pas toujours raison (bien sûr que, devant l'Histoire, il peut se tromper), mais il a le dernier mot. Il est le souverain. Etre démocrate, c'est se battre à fond pour ses idées, mais, une fois le verdict tombé, savoir en reconnaître la légitimité, se montrer bon joueur. Ce qui, bien sûr, n'empêche pas de repartir au combat dès le lendemain, espérer pour un beau dimanche, quelques années plus tard, une décision contraire. La démocratie est un tissu vivant, nulle disposition n'est gravée dans le marbre. Et puis, en Suisse, comme nous votons quatre fois par an, sur plusieurs sujets en même temps, nous sommes tous un peu gagnants, un peu perdants, les joies et les déceptions sont assez également distribuées. Ce mélange est l'une des clefs de notre succès: fort peu de citoyens, au fond, n'ont de raisons de se sentir systématiquement exclus.

MAUVAISE FOI

Dans ces conditions, je veux dire ici ma colère face aux mauvais perdants du 9 juin. Que n'a-t-on entendu, de la part des milieux de gauche opposés à cette réforme du droit d'asile, dès dimanche 12h30! A part le conseiller aux Etats Robert Cramer, remarquablement digne dans la défaite vers 13h (RSR), dans un débat avec un Philippe Leuba, conseiller d'Etat vaudois, également d'une haute tenue, que de gémissements, que de jérémiades, que de pleurnicheries, que de leçons de morale données à un peuple libre, fier, souverain, qui venait de prendre une décision totalement démocratique, à l'issue d'un débat où tous avaient pu s'exprimer. Hallucinants, certains propos sur les réseaux sociaux, les blogs, les ondes radio ou TV! Il faudrait avoir «honte» d'être Suisses, notre pays aurait vendu son âme, aurait tout oublié des leçons des années noires, etc. Pire dans la mauvaise foi: le peuple suisse serait fondamentalement hostile aux mesures votées, mais les aurait approuvées contre son gré, induit en erreur par les partisans, il aurait voté «les yeux bandés», sans rien comprendre.

ACCEPTATION

Quelle image ces moralistes ont-ils de notre peuple? Le corps électoral de ce pays serait idiot? Il n'aurait pas la maturité nécessaire pour saisir les enjeux, trier le bon grain de l'ivraie, parmi les arguments des uns et des autres? Il ne serait qu'une masse docile, sensible à la première propagande venue? De grâce, messieurs les perdants, un peu de respect! Le peuple suisse est mûr, rompu à la démocratie, il a beaucoup de bon sens et de jugement. Vous avez le droit d'être tristes au soir d'une défaite, et votre tristesse doit être respectée par les vainqueurs. Mais le verdict vous devez apprendre à l'accepter.