Comment ose-t-elle?

CONSEIL D'ÉTAT • Isabel Rochat se représente! Pour cinq nouvelles années (2013-2018). Sera-t-elle réélue? Nous le verrons. Ce qui est sûr, c'est que la magistrate sortante ne manque pas d'aplomb en déclarant, à brûle-pourpoint, avoir «accompli sa mission». Quelle mission?

  • «J'ai accompli ma mission», a déclaré récemment Isabel Rochat.

    «J'ai accompli ma mission», a déclaré récemment Isabel Rochat.

François Longchamp, oui. Pierre Maudet, oui. Mais franchement, comment Isabel Rochat peut-elle, sans se poser au moins une ou deux questions sur son bilan, venir annoncer, tout de go, sa candidature pour un deuxième mandat? Elle en a, bien sûr, le droit, tout le monde en a le droit! Elle est, à coup sûr, une dame de grande classe, et cela doit être porté à son crédit. Mais enfin, avons-nous aussi peu, en Suisse, la culture du résultat? On dirait qu'il ne s'est rien passé lorsqu'elle était à la tête de la police, que tout a baigné, qu'elle s'est admirablement imposée aux troupes, qu'il n'y a jamais eu la moindre tension, que les braquages ont drastiquement diminué sous son ère. Tout, pour le mieux, dans le meilleur des mondes.

RENDRE DES COMPTES
Ce qui choque, ça n'est pas l'aspiration à la réélection. On a bien le droit d'essayer! C'est la mise sous le tapis de la part négative du bilan. Au mieux, un déni. Au pire, une omission méprisante pour les citoyens. Comme si la sortante pouvait imaginer que le corps électoral n'y verrait que du feu. Oublie-t-elle que les élus, législatifs ou exécutifs, sont au service de la population? Aux électeurs, ils ont des comptes à rendre. Leurs promesses de campagne, nous, les citoyens, nous avons, au terme de leur mandat, à les leur brandir. Sous les yeux. Sous le nez! Vous aviez promis la sécurité, Madame Rochat, où est-elle? Vous aviez annoncé l'apaisement avec la police; vous estimez avoir réussi? Comment expliquez-vous qu'après deux ans et demi de mandat, vous ayez été amenée, à la faveur d'une élection partielle, à changer de département? Ces événements ne vous amènent-ils pas à vous poser, tout au moins, quelques questions?

RESPONSABILITÉ MINISTÉRIELLE
«J'ai accompli ma mission», avez-vous déclaré, Mme Rochat, vendredi 23 novembre. Pardonnez-moi, Madame la conseillère d'Etat, mais c'est un peu court. Nous avons tous encore en mémoire la fureur de la campagne 2009. Le thème dominant, le vôtre notamment, était l'insécurité. Franchement, aujourd'hui, pouvez-vous considérer que vos deux ans et demi (avant de changer de département) comme responsable de ce secteur sont un succès? Si votre réponse est oui, alors nous n'avons pas la même conception de la responsabilité ministérielle en République. Si votre réponse est non, il faut en tirer les conséquences. Dans les deux cas, il y a un problème. Qu'il appartiendra au corps électoral de trancher.ABSENCE D'ADÉQUATION Je ne mets en cause, Madame, ni votre classe, ni votre courage. Et peut-être, au fond, serez-vous réélue. Je m'interroge seulement sur l'absence d'adéquation, dans notre culture politique suisse, entre qualité du bilan et légitimité à être réélu. Nous sommes, dans ce pays, beaucoup trop gentils avec les sortants. Nous ne devrions réélire que les plus brillants. Ceux qui, vraiment, hommes ou femmes, gauche ou droite, ont réussi quelque chose de fort. Hélas, le poids des automatismes, l'horizontalité des listes, le soupesage des origines, tout ce maquignonnage antirépublicain nous confine dans un régime des partis. J'aurais préféré, pour ma part, mettre au régime les partants.