COUP DE COEUR / GRIFFE DU 18.12.2013

  • Pascal Décaillet

    Pascal Décaillet. DR

CŒUR Chaque photographie de Jean Mohr est un bonheur. Né en 1925, l’infatigable chercheur d’images genevois nous sort, chez Labor et Fides, un merveilleux recueil intitulé Derrière le masque, mon visage. S’y côtoient les portraits (Simenon, Ionesco, Robbe-Grillet, Nicolas Bouvier, Armand Gatti), ou encore la sublime Martha Argerich, première photo prise en 1957, lors du Concours international d’exécution musicale, puis plus tard au cours de sa carrière. Il y a aussi cette incroyable image représentant Ernest Ansermet au travail avec Arthur Rubinstein, l’un et l’autre concentrés sur l’œuvre. Et puis, la vie qui va, comme Goretta et Tanner, jouant les pieds dans l’eau, lors d’un moment de détente en 1953. Ce livre est une grâce. Il recense quelques-unes des visions de l’un de nos plus grands photographes.

GRIFFE A la belle saison, soit neuf mois par an, je passe plusieurs fois par semaine à pied, dans une immuable promenade qui est mienne depuis vingt ans, à la place des Nations. Et chaque fois, je me dis: les centaines de touristes qui sont là, on se fout de leur gueule. Pourquoi? Mais parce qu’à part une chaise cassée et une allée de drapeaux, il n’y a strictement rien à voir, pardi! Ça frise la honte: on balade à longueur d’années des dizaines de milliers de visiteurs venus du monde entier, on les laisse là, devant un grillage, une interdiction d’entrer, et ils n’ont que le droit de photographier les drapeaux du monde. La densité de l’Histoire genevoise mérite mieux. Ce qu’on montre aux touristes, on doit lui donner du sens, de la profondeur, de la perspective.