Ecole genevoise: le combat d'un humaniste

DÉPART • Claque-t-il la porte? En tout cas, Jean Romain tient à donner un sens à son départ du DIP. Cet homme, qui a passionnément aimé l'enseignement, ne supporte plus la dérive technocratique de l'école à Genève. Député, il sera plus actif que jamais.

  • Après 37 ans, Jean Romain, déçu par le systèmem renonce à l'enseignement.

    Après 37 ans, Jean Romain, déçu par le systèmem renonce à l'enseignement.

  • Après 37 ans, Jean Romain, déçu par le systèmem renonce à l'enseignement.

    Après 37 ans, Jean Romain, déçu par le systèmem renonce à l'enseignement.

Il y a des départs qui font plus mal que d'autres, parce qu'ils nous transmettent un signal. Ainsi, celui de Jean Romain. Professeur de philosophie au Collège Rousseau, enseignant depuis 37 ans, le député PLR, âgé de 60 ans, anticipe sa retraite de quelques années. Et fait bien savoir à la ronde qu'il s'en va par désaveu, parce qu'il ne supporte tout simplement plus l'école genevoise. Il ne s'en prend absolument pas aux élèves, dont beaucoup l'apprécient énormément, encore moins à ses confrères et consœurs, ni même à sa hiérarchie directe. Mais à un système. Celui qui privilégie la technocratie sur autre chose, qui lui est très cher, disons la magie de ce contact dans l'ordre de la transmission, l'humanisme du métier, ne parle-t-on pas d'ailleurs des «humanités»?

UNE ECOLE MEILLEURE

Il ne s'agit pas, comme le relèvent de façon réductrice trop de gens, de l'école de grand-papa contre la modernité. Il s'agit de l'extraordinaire combat d'un homme, depuis tant d'années, à Genève, pour une école simplement meilleure. Jean Romain, après tout, aurait pu se la couler douce. Se contenter d'enseigner une branche qui le passionne, écrire ses bouquins, hausser les épaules, filer doux, grogner en salle des maîtres, impressionner les jeunes collègues, attendre la retraite. Ce choix, beaucoup de profs intellectuellement brillants l'ont fait. Ils dispensent leurs cours, assurément avec talent. Dédaignent profondément ce qu'est devenue l'école genevoise, avec ses armées de technocrates et de «pédagos». Dégomment tout cela en cercle fermé. Mais surtout, n'entreprennent rien, publiquement, pour que ça change! Ces esthètes du dédain manquent de courage.

VICTOIRE HISTORIQUE

Jean Romain, le premier de tous, s'est levé. Avec l'Association ARLE (Refaire l'école), il a lancé un combat, qui l'a amené à la victoire historique de septembre 2006, sur les notes au primaire. Puis, voulant ancrer ses actes dans la Cité, il s'est présenté à la députation, et a été élu en 2009 au Grand Conseil. Quatre années d'une époque complexe, ambiguë, où l'homme est à la fois fonctionnaire du système, et l'un des cent élus pouvant le contrôler, le réformer. A la fois employé de Charles Beer, et, en commission de l'enseignement, l'un de ceux qui lui demandent des comptes! Avec son départ, s'il est réélu cet automne, il aura devant lui cinq ans pour œuvrer, de façon beaucoup plus claire, sur le seul terrain politique.

FAILLES DU SYSTÈME

Je n'ai, de ma vie, jamais entendu Jean Romain attaquer quiconque de façon personnelle. Ni le chef du Département, dont il ne démolit d'ailleurs pas le legs, ni d'autres. Intellectuel, attaché à l'argument, il ne passe à l'offensive qu'avec l'outillage des idées. Il estime qu'il y a trop d'apparatchiks au DIP, trop d'états-majors au détriment du front. Il ne supporte pas l'IUFE (Institut universitaire de formation des enseignants), jugé trop complexe, et surtout matrice d'idéologies nées de mai 68, qu'il réprouve. Ces structures, il les dénonce, sans jamais s'en prendre aux hommes.L'école genevoise perd un enseignant de grande valeur. Mais la politique pourra bénéficier des services accrus d'un humaniste qui a consacré à la question scolaire l'essentiel de sa vie. Puisse-t-il, longtemps encore, nous interpeller, nous heurter. Oui, nous déranger.