Elections: virez les sortants!

CONSEIL D'ETAT • Nous sommes, par tradition, beaucoup trop gentils avec ceux qui sollicitent un nouveau mandat. Au nom de quel automatisme devrions-nous les réélire? Inversons le postulat : ne reconduisons aux affaires que les exceptionnels. Les autres, basta, et ciao!

  • Charles Beer.

    Charles Beer.

  • David Hiler

    David Hiler

  • Michèle Künzler

    Michèle Künzler

  • François Longchamp

    François Longchamp

  • Pierre Maudet

    Pierre Maudet

  • Isabel Rochat

    Isabel Rochat

  • Pierre-François Unger

    Pierre-François Unger

Nous les Suisses, hélas, avons beaucoup trop l'habitude de réélire les sortants. Les députés ou les conseillers d'Etat ayant déjà accompli un mandat complet, ou deux, ou trois. Quatre, huit, douze ans, parfois beaucoup plus. C'est une grave erreur. Cette obédience à l'ancienneté favorise ceux qui ont blanchi sous le harnais, sans trop se fatiguer, donne un signal catastrophique d'absence de sens critique de l'électorat, et surtout ralentit la nécessaire relève: celle des jeunes et des nouveaux partis, moins ancrés, ceux qui ne se sont pas encore partagé les postes et les prébendes du pouvoir.

NOUVELLE NORME
Je propose d'inverser le raisonnement. Se dire que la norme serait de ne pas réélire. Le faire, seulement si le sortant a vraiment été quelqu'un d'exceptionnel, qui a brillé dans sa fonction, fait avancer la République, résolu des problèmes, ouvert des voies nouvelles. Un Chavanne. Un Grobet (celui de sa splendeur, entre 1981 et 1993). Un Segond. Allez, disons un Maudet, parce qu'il vient d'arriver, et qu'il est prometteur. Mais pour tellement d'autres, se dire qu'on leur a laissé, pendant quatre ans (bientôt cinq!) une chance exceptionnelle, et que ma foi ils n'ont pas trop su l'utiliser, alors gentiment basta, ciao, la vie est belle, elle est peut-être longue encore, allez la vivre dans d'autres périmètres que celui de la politique. Sortir les sortants, telle devrait être la norme.

L'EXEMPLE FRANÇAIS
J'ai passionnément aimé l'Histoire de la Troisième République française, la Quatrième aussi. La longévité des gouvernants n'était que de quelques mois. Exagérément court certes, mais avec au moins l'avantage de leur flanquer une magistrale pression, celle de se savoir provisoire, et si tu veux survivre, tu te bouges un peu. J'aime ça. L'exemple le plus éclatant est celui de Pierre Mendès France, sept mois de pouvoir seulement entre juin 1954 et février 1955, et pourtant un cabinet d'une exceptionnelle intensité, trouvant notamment une issue à la guerre d'Indochine. Une sorte de mandat sur prestation, un engagement précis tenu devant l'opinion publique: j'essaye, si ça passe, c'est bien, si ça casse, je pars.

VIRER POUR INCOMPÉTENCE
On ne devrait pas élire des équipes juste pour qu'elles passent quatre ans (bientôt cinq!) ensemble, nous abreuvant chaque mercredi d'insipides communiqués de presse, mais pour qu'elles tentent de réussir ce sur quoi elles se sont engagées. On devrait pouvoir virer les gens, en cours de mandat, non sur des affaires privées, style Mark Muller, mais sur la base, autrement plus grave, de leur incompétence. Lorsqu'on s'est trompé de casting, et que cette erreur apparaît avec éclat dès le début de la législature, pourquoi traîner le boulet jusqu'à la fin?

N'AYEZ PAS PEUR!
C'est une nouvelle culture politique que j'appelle de mes vœux. Que vous soyez de gauche ou de droite, ouvrez les fenêtres, ne craignez pas le renouvellement. N'ayez pas peur de porter au pouvoir ceux qui, aujourd'hui, n'y sont pas. Ne vous laissez pas abuser par le discours des puissants d'aujourd'hui, se proclamant «gouvernementaux», comme si on méritait cet adjectif par essence, et non par la volonté, régulièrement renouvelée, du corps électoral. Bref, offrez-vous un coup de sac. Ça remet les pendules à l'heure. Et ça fait un bien fou. Vous verrez.«Sortir les sortants, telle devrait être la norme»