L'argent pollue les campagnes électorales

ÉLECTIONS • Dans la campagne du 4 novembre, le vainqueur se trouve être le candidat ayant bénéficié des plus grands soutiens financiers. Sans minimiser son mérite, il est permis de s'interroger sur le rôle de l'argent dans cette campagne. Le rôle des «milieux de l'économie». Permis, aussi, d'imaginer une réforme du système.

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    L'argent pollue les campagnes électorales

Une victoire nette et sans appel. Avec ses 44,7% de suffrages, Guillaume Barazzone devance, de très loin, Eric Bertinat (21,8), Salika Wenger (20,2) et Didier Bonny (13,2). Il sera donc le prochain conseiller administratif, à la place de Pierre Maudet, jusqu'au printemps 2015. C'est sa victoire. C'est aussi celle de la stratégie de l'Entente. Ces choses-là ne se discutent pas. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Mais il est, hélas, d'autres chiffres, plus obscurs: ceux du financement de sa campagne. Combien le candidat a-t-il reçu? De la part de qui? Mystère et boule de gomme. Tout au plus des ordres de grandeur, avancés par l'intéressé lui-même. Ne cherchant pas, d'ailleurs, à dissimuler l'incroyable disproportion entre ses moyens de campagne et ceux de ses adversaires.

RIEN D'ILLÉGAL
Soyons clairs et précis. Dans le système actuel, il n'y a rien d'illégal, rien de malhonnête à recevoir de l'argent, et pourquoi pas beaucoup d'argent, pour une campagne politique. Nous ne prétendrons pas non plus, ici, que les sommes considérables dont a disposé le candidat de l'Entente, justifient à elles seules sa victoire. Il s'est à coup sûr battu, courageusement, n'a pas compté ses heures pour arpenter le terrain, serrer des mains, rencontrer du monde. Mais enfin, jusqu'à nouvel ordre, ses trois adversaires aussi: Didier Bonny a mené campagne à train d'enfer, Eric Bertinat et Salika Wenger n'étaient pas en reste. Alors oui, en saine démocratie, à Genève comme ailleurs, la question se pose: à vertus combatives égales, intelligences égales, proximité du peuple égale, n'est-ce pas tout simplement l'argent qui a fait la différence ?

NOMBRE À SIX CHIFFRES
Car Guillaume Barazzone a pu compter sur beaucoup d'argent: entre cent et deux cent mille francs, articule-t-il lui-même, certains estimant qu'on peut monter à trois cent mille, voire plus si Entente. Le chiffre exact, nous ne le connaîtrons jamais, nous savons tout au plus que la Fédération des entreprises romandes (le patronat genevois) a soutenu ce candidat, et que les «milieux de l'économie», comme on dit, étaient derrière lui. La seule tête de pont de droite face à quatre collègues de gauche, dont une Sandrine Salerno volontiers dépeinte avec un couteau entre les dents, ça n'est pas rien, stratégiquement. Ça valait bien un petit effort financier. Alors, combien? Restons-en au minimum: les estimations du candidat, tout de même un nombre à six chiffres. C'est déjà tellement plus que les dix mille francs de Didier Bonny, ou les quelque quarante mille avancés par Eric Bertinat. Ça finance la campagne, ça permet de grandes affiches sur les trams, des annonces dans les journaux, l'organisation de soirées ou d'événements. Surtout, ça délie le candidat lui-même du souci de ces choses-là; il n'est pas sûr qu'un Didier Bonny, par exemple, ait pu jouir en sifflotant de la même insouciance, laissant aux gens des soutes, dans la machinerie, la responsabilité de ces choses si salissantes.

CONCLUSION
La question d'une loi, à Genève, sur le financement des campagnes, se pose. Non pour les mettre toutes à égalité, mais pour faire progresser la transparence. Ce sera au moins une leçon de cette promenade d'automne, si onéreuse.