Le PLR et la Beauté du Diable

ÉLECTIONS • Publicité négative! Ce qu'a tenté le président du PLR pour affaiblir le MCG. Hélas, les lois de la communication politique sont cruelles: parler de l'adversaire, souligner son pouvoir de nuire, c'est le mettre en valeur, et passer pour une victime. Au final, lui donner des points.

  • Récemment réélu, Alain-Dominique Mauris, le président du PLR genevois attaque frontalement le MCG.

    Récemment réélu, Alain-Dominique Mauris, le président du PLR genevois attaque frontalement le MCG.

«Les électeurs genevois ne se laisseront pas tromper par le MCG.» L'attaque est claire, frontale. Elle paraît le vendredi 24 mai dans les colonnes du Temps, et s'adresse donc à l'ensemble des lecteurs romands, dont beaucoup n'ont sans doute pas trop entendu parler de ce mouvement politique. La charge, sabre au clair, est signée Alain-Dominique Mauris. Cet homme n'est pas le premier venu: non seulement il préside depuis deux ans le PLR à Genève, mais il vient d'être réélu triomphalement à ce poste. L'auteur étrille le MCG, pour mieux montrer, dans une péroraison signe des plus belles constructions triangulaires, à quel point le PLR est à Genève le parti de la Raison, celui des solutions concrètes, celui pour lequel il faudra voter cet automne.

MODE PASSIVE
Soit. Mais il y a un problème. En campagne électorale, à quoi rime, pour un chef de parti, de fonder son argumentation, non sur les valeurs propres de sa formation, mais sur la démolition d'un parti concurrent? Cette forme de publicité négative donne la fâcheuse impression d'un stratège sur la défensive, plus soucieux de creuser les fortins d'une ligne Maginot que de mener l'attaque. Surtout, en titrant à la mode passive (les électeurs ne se laisseront pas tromper), la syntaxe accrédite l'idée du méchant MCG comme complément d'agent de toutes choses. Celui qui agit. Celui qui tient l'offensive. Celui qui mène le bal. Celui qui séduit, «trompe», est capable d'emporter l'électeur dans sa danse. A bientôt, le premier baiser, en attendant l'étreinte. La victime, vaincue mais heureuse, se livre toute entière à la Beauté du Diable.

CLINS D'ŒIL
L'autre, le plaignant, celui qui geint, apparaît comme le Charles Bovary de la situation. Le mari trompé, qui viendrait nous dire: «Regardez, ce salaud d'amant, ce qu'il fait avec ma femme». Moralement, on le soutient, mais dès qu'il a le dos tourné, on se jette des clins d'œil en ricanant, on mime des cornes, on s'en va raconter l'histoire aux quatre coins de la buvette. Bref, sans être un observateur très averti de la politique genevoise, vous pardonnerez donc la misérable étendue de mon inexpérience, je ne puis totalement exclure que M. Mauris, sur ce coup, ait, en termes de communication, marqué un but contre son camp. Rien de grave, cela peut nous arriver à tous, je me suis moi-même marché sur la main, ce matin, en tentant de repeindre mon plafond.

VALEURS COMMUNES
Reste l'essentiel: la politique. Le PLR et le MCG sont certes des partis différents, poursuivant des objectifs distincts. Sur la préférence cantonale, ils ne sont pas, ou en tout cas n'ont longtemps pas été, sur la même longueur d'ondes. Sur la libre circulation, non plus. Mais enfin, sur quantité d'objets, allant de la sécurité aux finances publiques, les valeurs communes existent. On l'a vu, de façon éclatante, dans l'affaire du budget 2013 du Canton, où il était permis de concevoir ce front du refus (PLR, MCG, UDC), comme l'esquisse d'une alliance peut-être, un jour, dans la politique genevoise. Dans ces conditions, la priorité absolue du PLR doit-elle vraiment être la lacération d'un allié potentiel de la prochaine législature? La réponse est non, à moins de considérer l'usage du fouet comme vecteur de jouissance, ce qui nous entraînerait assurément dans un autre débat.