Maudet: le pari de l'électrochoc

ÉLECTIONS • Ce dimanche 17 juin, le surdoué de la politique genevoise a gagné. Sa mission, face à un collège en bout de course: sonner la charge, donner l'assaut, réveiller les morts. S'il réussit, il sauve le Conseil d'Etat. S'il échoue, il sera l'un des fossoyeurs du vieux monde.

  • L'heureux élu a été chaleureusement félicité par sa future ex-collègue Michèle Künzler.

C'est la consécration d'un pur-sang. Une étape, dans un destin. On l'aime ou non, on a pu ou non apprécier sa campagne, jonchée de coups bas prodigués par des sBires ou spadassins. il n'en reste pas moins une réalité: Pierre Maudet est, avec Christophe Darbellay, Philippe Nantermod ou Pierre-Yves Maillard, l'un des hommes politiques suisses les plus doués. Dans ces conditions, il ne paraît pas particulièrement déraisonnable qu'il accède, à 34 ans, au poste suprême d'un canton, celui de conseiller d'Etat. Mme Emery-Torracinta, M. Stauffer, M. Seydoux en auraient aussi eu les compétences. Mais là, il se trouve que c'est lui. Avec une avance impressionnante, et une bonne participation: le nouveau conseiller d'Etat est légitime, nul ne peut le contester.

BRILLANT
Une comète. Il a tout fait si jeune, si vite, il a brillé. Ce vendredi 15 juin, au quarantième anniversaire du C.O. Sécheron, je parlais de lui avec un prof qui l'avait eu à Claparède: «brillant, rapide, motivé, juste un peu fatiguant pour ses camarades». Fatiguera-t-il ses six collègues? Réponse: non. Pourquoi? Parce qu'il est impossible, sauf dans le cas relativement inédit de Lazare, de réveiller les morts. Et cette équipe-là, malgré une ou deux riches individualités, est aussi plombée qu'immobile. Elle progresse dans la vase avec des semelles de plomb, s'empêtre et s'emberlificote. Elle est comme un logiciel infesté par le virus: ralentie, empesée. Elire Super-Maudet est sans doute, au-delà des barrières politiques, ce qui a motivé le souverain: le pari de l'électrochoc. Manière moderne de croire au miracle: lève-toi et Marche, Lazare. Ou de faire renaître le Phénix, qui fut merveilleux oiseau avant que d'être opération de code.

LEADER
Super-Maudet a seize mois pour sortir de sa torpeur cette amicale au Bois-Dormant où chacun opère de son côté, sans trop se mêler du voisin. Puissent les six actuels avoir la sagesse de lui confier le Département le plus dur, le plus exposé, celui sur lequel le collège sortant, à l'automne 2013, sera le plus jugé. Comme un remplaçant, surgi du banc de touche, tout frais et tout lucide, qu'il faut immédiatement envoyer à l'attaque. Si les six anciens s'imaginent qu'ils s'en sortiront en confiant au petit nouveau une planque, où un harnais sous lequel blanchir, ils courent à la catastrophe. En propulsant Super-Maudet aux affaires, c'est un leader qu'ont voulu installer les Genevois.

SAUVEUR
Car le jeune politicien prend un sacré risque. S'il réussit, en seize mois, le voilà propulsé pour la suite, sauveur de l'Entente, abatteur de fortifications, guérisseur des morts. S'il devait échouer, ou même seulement patiner, il ne serait plus que l'un des fossoyeurs du vieux monde. Regardez les résultats d'Eric Stauffer à Vernier, Meyrin, Onex, Lancy: vous y verrez monter la colère suburbaine, qui, année après année, prend davantage en tenaille la cité patricienne, avant de l'investir. Car les Gueux sont là, qui vous guettent et vous aiment, Messieurs les Installés: les yeux, pour vous scruter. L'amour, pour vous manger.