Nos élus ne connaissent pas les PME

ÉCONOMIE • Entreprendre, c'est avoir peur. Mais oser quand même. Parier, investir. Travailler sans compter. La plupart de nos députés, hélas, ignorent tout de cet état d'esprit. Ce qui les rend peu compétents – et peu crédibles – lorsqu'ils s'expriment sur les sujets économiques.

  • Un ministre de l’économie comme Pierre-François Unger est-il là pour regretter ou anticiper les crises? DR

    Un ministre de l’économie comme Pierre-François Unger est-il là pour regretter ou anticiper les crises?

Les PME: ils n'ont plus que ce mot à la bouche. De la gauche à la droite, les politiciens qui viennent réagir sur l'affaire Merck Serono sont unanimes à dénoncer l'emprise de la finance spéculative sur la vie de nos entreprises, en quoi ils ont d'ailleurs parfaitement raison. Unanimes, aussi, à chanter les louanges des PME. Là aussi, ils ont raison. Le problème, c'est qu'une fois énoncée la vertu incantatoire du mot «PME», combien sont-ils, parmi nos élus, à savoir véritablement de quoi il s'agit? Combien d'entre eux connaissent, de l'intérieur, la part de risque, de peur au ventre, du métier d'entrepreneur? Très peu! Presqu'aucun! Et c'est un sacré problème pour leur crédibilité en matière économique.

INDÉPENDANCE - Les PME sont le souffle de vie de l'économie suisse: plus de 90% de notre tissu. Certaines d'entre elles ne comptent qu'une personne, ou deux, ou trois: les mépriser, sous prétexte de leur petite taille, c'est ne rien comprendre à la nature même de l'aventure économique. A partir du moment où un humain, avec des compétences et un savoir-faire, décide de quitter son statut d'employé pour lancer sa boîte, il passe réellement de l'autre côté. Un autre monde! L'aspect génial, c'est l'indépendance: être son propre patron. Avoir son bureau, pouvoir créer des emplois. Le revers, c'est la trouille, jour et nuit, de ne pas avoir assez de mandats, ne plus pouvoir payer les frais généraux, perdre sa santé. Car l'indépendant, s'il est employeur, veille à assurer ses collaborateurs contre le chômage, et paye la part patronale de la cotisation, mais n'a pas, quant à lui, le droit d'y cotiser! Donc, en cas de gros pépin, le pire peut advenir. Et la possibilité, toujours, du pire, occupe l'esprit du petit entrepreneur.

IGNORANCE - Un état d'esprit, oui. Combien sont-ils, au Grand Conseil, à pouvoir le comprendre? Quelques-uns, oui. Mais pas beaucoup. Pour combien d'employés, dont les salaires tombent tous les mois! Alors, sans trop savoir, on se pointe sur les plateaux, on chante la gloire de la PME, mais en réalité on n'y connaît rien! Combien sont-ils à savoir boucler un budget d'entreprise, un compte de pertes et profits? Et nos conseillers d'Etat, avec la régularité métronomique et mensuelle d'un mirobolant traitement, puis d'une retraite dorée? De quelle autorité vécue viennent-ils parler du monde des entreprises? L'argent qu'ils dépensent, bien ou mal, c'est celui des contribuables. Les collaborateurs qu'ils engagent, c'est aux frais du contribuable. Le matériel dans lequel ils investissent, c'est avec les deniers des contribuables. Alors oui, certains de nos ministres sont peut-être de brillants administrateurs, ce qui n'est certes pas rien. Mais, désolé, pas pour autant des entrepreneurs.RISQUE Au final, le risque est énorme de se retrouver avec des ministres chefs de gare. Ils regardent passer les trains. «Regrettent» les licenciements, les délocalisations, les drames du type Merck Serono. Regrettent! Mais enfin, un ministre est-il là pour «regretter», s'inquiéter? Et non pour anticiper, innover, forcer le destin? A méditer, tous partis confondus, et quelles que soient nos sensibilités politiques. Lorsqu'il s'agira, l'automne 2013, de renouveler nos autorités cantonales.