Refus du budget: fronde sur Genève!

CONSEIL D'ETAT • Retour à l'expéditeur! Une majorité nette du Grand Conseil renvoie la copie au gouvernement dans le projet de budget 2013. Le signal donné est clair: il va falloir réduire le train de vie de l'Etat. Retour sur un putsch parlementaire mené de main de maître.

  • François Longchamp, exaspéré par la résistance du Parlement.

    François Longchamp, exaspéré par la résistance du Parlement.

Injustement éclipsé par le vote sur la Constitution (lire plus bas), l'événement politique majeur de ces derniers jours, à Genève, a été le rejet sans appel, par le Grand Conseil (54 voix contre 38), du budget 2013, le 12 octobre. Le Conseil d'Etat doit revoir sa copie, en diminuant drastiquement le déficit, c'est un avertissement sec que lui inflige le Parlement. Et voilà un sujet autrement plus concret, pour nos vies quotidiennes et pour le train de l'Etat, que la mise en application, bon an, mal an, d'une charte fondamentale certes légitime, puisqu'acceptée en votation, mais fragilisée par un taux de participation catastrophique. Oui, le souci numéro un du Conseil d'Etat genevois sera de revoir à la baisse ses appétits. Et le signal à retenir, c'est l'alliance qui a permis ce rejet: PLR, UDC, MCG.

PACTE AVEC LE DIABLE Simple coup de semonce, de la part du PLR, ou réel glissement à droite, du côté du troisième front, ce «Tiers Etat» de la politique genevoise, notoirement constitué de ces gueux que les patriciens avaient coutume de rejeter dans leur caniveau, d'une chiquenaude? A un an des élections, la question est cruciale. Et à entendre, vendredi soir, les gémissements du côté du PDC et surtout des Verts, on avait quasiment l'impression que le PLR était purement et simplement passé à l'ouest, un peu comme ces partis bourgeois de la fin de la République de Weimar, pactisant avec le diable, dont nous parle si génialement Thomas Mann.

NET ET SANS BAVURE La manœuvre, habilement, à l'intérieur même du PLR, a été préparée. Dire que les discussions internes ont été vives relève de l'euphémisme. Mais le coup, au final, a été porté, proprement et sans trembler, au point qu'on a vu là une majorité sacrément intéressante se mettre en place: lorsque la droite de ce canton décide de partir unie à la bataille, quitte à tourner le dos aux moiteurs chrétiennes (ne parlons pas des opportunismes écolo-libertaires), elle part gagnante, sans appel. Cesserait-elle, une fois dans sa vie, d'être la plus bête du monde? Plus fou encore: cette admonestation parlementaire au Conseil d'Etat, le PLR l'applique à un gouvernement contenant… trois magistrats PLR! Diable! Mais c'est qu'ils s'émancipent, nos députés! Au point d'exaspérer un François Longchamp n'ayant guère eu à en découdre, jusqu'ici, avec un groupe parlementaire qu'il a toujours voulu à sa botte. Dire qu'on arpente Genève et qu'on croirait la Fronde, celle des parlementaires, oui, face à l'arrogance de certains princes.

POUVOIR PERSONNEL Cette résistance parlementaire, il faudra bien qu'elle s'affirme encore plus, qu'elle s'affûte, dans les mois qui viennent. Pourquoi? Mais parce que sans l'indispensable contre-pouvoir de la représentation populaire, nous sommes partis, surtout avec le oui à la nouvelle Constitution, vers l'établissement, en douceur, d'un pouvoir personnel. Celui des deux magistrats radicaux du Conseil d'Etat. Celui surtout, parmi ces deux, d'un François Longchamp accumulant les pouvoirs, distribuant les prébendes, et paraît-il prochain président pour cinq ans du Conseil d'Etat. Cinq ans, ça vous fait envie? En attendant, bonne nuit à tous. Dormez bien. L'ordre règne sur Genève.