Rémy le Rouge, vendeur de dynamite

ÉLECTIONS • Depuis dimanche 12 mai, au soir, Rémy Pagani est officiellement candidat au Conseil d'Etat. Portrait subjectif et personnalisé de ce politicien difficile à classer, mais dont on entendra encore longtemps parler, dans le paysage politique genevois.

  • On entendra encore parler longtemps de Rémy Pagani.

    On entendra encore parler longtemps de Rémy Pagani.

C'est un politicien hors normes, atypique. Rémy Pagani n'est pas comme les autres. Travailleur, passionné, attaché au bien public, malin, roublard même, le maire de Genève a en lui quelque chose en plus. Difficile à définir. A mi-chemin entre la raideur du Croisé, sur le chemin d'une Jérusalem qu'il s'agirait de délivrer sans tarder de la présence de l'Infidèle, et la ductilité du promeneur, celui qui simulerait l'insouciance, en tentant de siffloter.

SACRÉ BONHOMME
Rémy Pagani n'est pas celui qu'on croit. Peut-être moins pur que l'image colportée par ses affidés. Assurément moins fou que ne l'imaginent ses détracteurs. Prenez son parcours politique: tout seul, il y a quelques années, avec Souhail Mouhanna, à une table de Carl-Vogt, un soir d'automne où la gauche de la gauche s'était fait éjecter du Grand Conseil, je n'oublierai jamais cette image. J'étais allé leur serrer la main, ce que peu, apparemment, avaient jugé bon de faire. Aujourd'hui, maire de Genève, locomotive pour les élections cantonales, emmerdeur public numéro un pour la droite. Un sacré bonhomme, qu'il ne s'agit en aucun cas de sous-estimer.

VILAIN PETIT CANARD
Regardez cette affaire de conseil d'administration des TPG. On lui interdit de continuer à y siéger, il y va quand même. Il se comporte comme le vilain petit canard, l'intrus, le gueux qui se hisserait jusqu'au salon des notables. On lui tombe dessus, on le vilipende, haro sur le mal élevé! A droite, on met sa tête à prix. J'en connais, à Genève, que Rémy le Rouge, demi-frère lointain de Rackham, Frère de la Côte, Rémy l'indésiré, exaspère au point de les rendre complètement cinglés. Parce qu'il n'en fait qu'à sa tête, échappe aux conventions. Il irrite d'ailleurs jusqu'à gauche, et même parmi les siens. Il ouvrirait une boutique de poil à gratter, il ferait fortune. Ou vendeur de dynamite, aux côtés de Diego le Navarrais. A la Sainte-Barbe.

INTELLIGENT ET PATIENT
A coup sûr, si Brel n'avait pas été disponible pour le rôle de l'Emmerdeur, face à Lino Ventura, Rémy eût fait l'affaire. Mais gardons-nous de le juger sur cette seule posture. Très intelligent, voyant loin dans la stratégie, l'homme construit beaucoup plus patiemment qu'on ne l'imagine. Si sa formation devait, au soir du 6 octobre, retrouver une place au Parlement, une immense partie du mérite lui en reviendrait. A la dissémination, qui leur est presque naturelle tant sont redoutables leurs ferments de dispersion, il aurait alors substitué l'incarnation, la lisibilité, la reconnaissance. En une figure: lui.

TOTALEMENT ENGAGÉ
Pour le reste, un homme sincère et cultivé, totalement engagé dans sa cause, aimant Genève, ne ménageant pas sa peine. Lorsqu'il se rend tout de même au conseil d'administration des TPG, alors qu'on lui en interdit l'accès, il se fait de la pub, mais en même temps il y croit, au nom des tarifs et de la défense des plus précarisés. Cet homme est multiple, habile et sincère, inflexible et pourtant souple. On n'a pas fini de le croiser dans notre paysage politique. Entre exil et royaume, lucidité et déraison, Rémy le Pirate sera toujours à l'abordage. Il a hissé le pavillon. Nous voilà avertis.