La presse, objet de spéculations

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PROJETS • Caisse à résonance des rumeurs, les médias sont à leur tour l’objet de spéculations. Quel titre survivra à l’apocalypse annoncée? Interviewé sur un site d’information alémanique, le PDG du groupe zurichois Tamedia a jeté un peu d’huile sur le feu en n’excluant pas de nouvelles restructurations voire même la disparition de journaux ou magazines en Suisse romande. Il ne tirera pas à la courte paille car ses calculs semblent déjà faits. Il a notamment dans son viseur Genève, dont il trouve le marché «incroyablement» exigu.

La place financière genevoise a beaucoup à perdre, elle qui pouvait compter sur plusieurs relais médiatiques privilégiés il y a une trentaine d’années. On peut penser ce que l’on veut de la presse et du pouvoir qu’elle exerce. Il n’en demeure pas moins que la santé d’une communauté se mesure à la densité de ses organes d’information. Or, la république du bout du lac a perdu quelques journaux emblématiques, à commencer par le Journal de Genève dont la rubrique économique faisait autorité. Son successeur, Le Temps, a bien cette vocation aussi mais il a émigré à Lausanne où son propriétaire, Ringier Axel Springer, n’hésite pas à le rudoyer en sabrant dans ses effectifs.

Plus réactive et moins coûteuse en termes de fabrication, la presse numérique accordera-t-elle plus d’écho à la Genève internationale et à ces rémoras que sont l’ONU et l’OMC? Pour la première fois, Tamedia a pu enregistrer l’an dernier un renversement dans le rapport de force au sein des composantes de ses résultats. Parce qu’elle rapporte désormais plus de la moitié du bénéfice net, l’offre en ligne devrait remplacer complètement à moyen terme le support papier. Mais Tamedia, on l’a dit, n’est pas le meilleur garant du maintien d’une présence médiatique à Genève. Quant aux «multiples» projets digitaux que l’on évoque à grands cris depuis la mort de L’Hebdo, rien ne permet d’affirmer qu’ils dépasseront le stade d’ébauche en l’absence d’un modèle économique fiable, s’agissant de petits entrepreneurs qui ne disposent pas des moyens d’une entité cotée en bourse. Voilà pourquoi, ciblée de façon à soutenir leur démarrage, une aide publique directe serait souhaitable, pour autant que le monde politique accepte de s’emparer du dossier. Car à l’heure du grand déballage sur la redevance audiovisuelle, sa priorité pour lui se situe sans doute ailleurs.